Sociologue, Yann Ferguson étudie les transformations du travail liées à l’arrivée de l’intelligence artificielle. Il est responsable scientifique du programme de recherche LaborIA et expert au sein du Partenariat Mondial pour l’IA, une initiative qui réunit 29 pays pour promouvoir l’IA responsable.
Ses rencontres avec l’IA
D’abord avec mon père, romancier fantasque, qui nous a raconté une émission de la BBC sur Alan Turing, pionnier de l’IA et inventeur de l’ordinateur. Je devais avoir 16 ans. Ensuite, en 1996, j’ai été captivé par la victoire de l’ordinateur Deep Blue sur le champion du monde des échecs Garry Kasparov. Puis, en master d’anthropologie technique, j’ai réalisé un exposé sur Alan Turing, pour lequel j’ai énormément travaillé. Enfin en 2015, alors que j’enseignais à l’ICAM de Toulouse, EDF m’a demandé d’accompagner ses équipes pendant 6 mois pour un programme d’acculturation à l’IA, sur un mode « différent ». Ça a duré trois ans.
Sa motivation à se lever le matin
Quand je fais une présentation, je ne la termine pas par « Merci de votre attention », mais « Merci d’avoir réfléchi avec moi ». Ce qui me motive, c’est de réfléchir avec les gens. Non pas à ce qu’il faut penser, ni seulement transmettre, mais à ce sujet qui me passionne. Je tiens la formule d’un enseignant allemand.
Son intérêt pour l’IA
La science-fiction nous a raconté que lorsque la machine serait plus intelligente que nous, ce serait la fin de l’humanité. On ne dispose pas de narration alternative, notamment parce qu’on plaque le rapport de domination que nous, humains, exerçons sur le reste du vivant. Or, il faut être vigilant non pas parce que l’IA va nous écraser, mais parce que rien n’est neutre en la matière : nous devons comprendre à la fois le but et ce qui se cache derrière cette technologie.
« Le technophobe s’inquiète, le technophile ne voit pas de problème »
Son travail aujourd’hui
Je travaille à démystifier l’IA. Je dis souvent que les technophobes et les technophiles sont des obstacles à une intelligence artificielle raisonnée. Le technophobe s’inquiète, le technophile ne voit pas de problème. J’ai réussi mon travail lorsque les deux extrêmes en viennent à une forme d’équilibre. L’important, c’est d’être éduqué, vigilant, qu’on aime ou pas l’IA.
Pour ou contre l’IA ?
Je serais schizophrène si j’étais contre. C’est un sujet passionnant qui soulève des questions très fortes sur notre rapport vivant, sur l’intelligence, sur qui nous sommes. Mais attention ! Nous sommes en train de construire une trajectoire de dépendance à une technologie, c’est une responsabilité vis-à-vis de la planète et des générations futures. Il faut aussi intégrer ce débat-là.
EN COLLABORATION AVEC EXPLOREUR DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE