Aurélien Pradié, la crise que nous traversons fait vaciller les certitudes d’un grand nombre de citoyens et de politiques. C’est votre cas ?
La crise a fait sauter le dernier verrou de complexe qui me restait. Elle m’a rendu plus révolutionnaire encore. Maintenant c’est sûr : soit c’est la mort du politique, soit c’est son grand retour.
Quelles seraient les conditions de ce « grand retour » ?
D’abord se libérer des experts qui empêchent les politiques d’agir en leur mettant des tableurs Excel dans la tronche. Le fiasco des masques est la démonstration que les experts ont pris la place des politiques.
Ensuite, refuser l’appauvrissement du débat. Depuis deux mois je vois défiler à la télé les mêmes personnes derrière les mêmes webcams dégueulasses, et je suis frappé par la vanité de leur parole. Cette stérilité de la pensée me terrifie.
Pour élever le débat il faut des intellectuels, des penseurs. Qui sont ceux de notre époque ?
Ces derniers temps, j’ai pu me consacrer davantage à la lecture. Je me suis rendu compte que pour trouver des ouvrages d’une certaine densité, j’étais obligé de remonter 10 ou 15 ans en arrière. Depuis, rien, à quelques exceptions près.
La campagne des cantonales de 2008, menée tambour battant et à mobylette. Ici dans la cuisine des Bergougnioux, à Séniergues.
Une exception ?
Philippe Tesson. Des personnages comme lui nous seront utiles pour penser le monde de demain. Il nous faut des idées dérangeantes, des utopies. La politique a perdu le goût des utopies. Notre pays s’est pourtant construit avec des idées et des gens hors normes. De Gaulle, Chirac et les autres ne suivaient pas les codes. Il faut revenir aux idées, aux utopies, et laisser penser les politiques.
Qui empêche les politiques de penser ?
Fin avril, j’ai proposé de fixer un prix maximal à 100 produits alimentaires de première nécessité pour répondre à la détresse alimentaire des familles modestes. Immédiatement, pour couper court au débat, on m’a traité de communiste et accusé d’en vouloir au marché. Pourtant la hausse des prix dans un moment comme celui qu’on traverse, ce n’est pas le marché, c’est de la spéculation. C’est trop facile de considérer que la droite c’est le capitalisme financier et la gauche le marxisme. Prenons Philippe Séguin. Ce n’est pas la droite, ça, Séguin ? Il a installé l’idée de fracture sociale pour Chirac, et reproché à Balladur sa politique libérale et un « Munich social » ? Est-ce qu’on le traitait de dingo pour autant ?
Outre le capitalisme financier, le Covid-19 remet aussi sur le tapis les frontières et la souveraineté, deux questions à propos desquelles la droite souffle le chaud et le froid depuis des décennies…
L’abandon de notre souveraineté est un échec. On fait la manche auprès des Chinois pour des masques. On fait la manche auprès de nos partenaires européens et mondiaux pour des respirateurs. La souveraineté n’est ni un concept moyenâgeux ni une idée d’extrême droite. Elle est simplement nécessaire. Et elle n’interdit ni la paix, ni le commerce. Même chose pour les frontières. Je veux pouvoir revisiter ces idées sans qu’on m’enferme dans une caricature.
Au pied de la statue de Joachim Murat, l’enfant du pays, fils d’aubergiste devenu maréchal d’Empire et roi de Naples.
Les idées, c’est votre mission chez Les Républicains. Et le premier sujet sur lequel vous avez choisi de vous pencher, c’est le handicap. Pourquoi ?
La droite française a toujours porté des projets sur le handicap. De Gaulle, Chirac, Pompidou se sont largement exprimés sur la question. Choisir ce sujet pour la première convention nationale thématique du parti début mars, c’était une façon de le rappeler, et de montrer que la droite veut réinvestir les grandes causes. J’avais aussi des raisons plus personnelles de le faire.
Lesquelles ?
Mon père a fait un AVC le soir de Noël alors que j’avais 17 ans. La vie affective, la vie matérielle, tout a basculé. On passe brusquement d’une situation où tout va bien, à une autre où l’on ne part plus en vacances, où l’on galère à remplir le frigo et à payer le prêt de la maison, et où ceux qui passaient leur temps avec vous ne vous disent même plus bonjour dans la rue. Cela m’a rendu insupportable la moindre fatalité, et donné l’envie d’être utile. C’est même devenu une obsession. Comme député, comme citoyen, comme pompier volontaire, peu importe, je veux servir à quelque chose. C’est ce qui m’a poussé inexorablement vers la politique.
Vous n’y aviez jamais pensé auparavant ?
Jamais. On ne parlait pas de politique à la maison. Ni côté paternel lotois, ni du côté de ma mère, qui est corrézienne. Par contre, j’ai toujours adoré Chirac. C’est mon grand-père maternel qui m’en a parlé la première fois. J’avais neuf ans.
Carte de vœux 2020. Une photo de Chirac, forcément.
Qu’avait-il donc ce personnage de si fascinant pour un enfant de neuf ans ?
Sa façon d’être. Son physique. Tout. À cet âge-là certains adorent Batman, moi c’était Chirac.
Cette passion ne s’est-elle pas estompée par la suite ?
Au contraire elle s’est structurée, nourrie, étoffée avec les convictions sur lesquelles Chirac n’a jamais varié. Il a parfois changé d’avis sur des sujets secondaires, mais jamais sur l’essentiel. Sa passion pour les arts premiers, née à l’adolescence, a par exemple placé la question du dialogue des civilisations au cœur de son action politique. Je suis persuadé que parmi les arguments qui l’ont conduit à bloquer l’intervention américaine en Irak, le plus important était qu’il était impensable pour lui de laisser bombarder la Mésopotamie, berceau des civilisations. Je partage cette passion désormais. Je comprends comment elle peut nourrir une vision politique. Son empathie, notion essentielle chez Chirac et tellement absente aujourd’hui, venait de là.
Le pouvoir peut-il être empathique ?
On s’est beaucoup foutu de Chirac en le réduisant à la simple figure du mec sympa. Mais l’empathie en politique, ce n’est pas une question secondaire, croyez-moi. Le dessèchement de la politique porté par Emmanuel Macron le prouve. Depuis des années on considère que c’est l’efficacité et le pragmatisme qui comptent en politique. Autant dire la fin des idées et des grandes causes. Le pragmatisme, c’est bon pour les sous-préfets d’arrondissement. Pas pour les politiques de premier rang.
N’est-ce pas Nicolas Sarkozy qui, le premier, a porté la culture du résultat et l’esprit d’entreprise au sommet de l’État ?
Peut-être, mais lui, il avait une force politique. Quand il a défiscalisé les heures supplémentaires – mesure anecdotique sur le fond mais fait politique majeur – les experts et la technostructure ont défilé dans son bureau pour le traiter de cinglé. Il est passé outre parce qu’il a le sens du politique et qu’il sait résister à la technostructure.
10 octobre 2019 : Discussion de la proposition de loi Agir contre les violences au sein de la famille M. Aurélien Pradié
À la différence d’Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron en vient, de la technostructure. Son gouvernement en est un pur produit. Avec lui, c’est la première fois que le politique cède à ce point au diktat de l’efficacité. L’épisode du début d’année sur les jours de congés pour les parents d’enfants décédés le montre bien. Muriel Pénicaud a eu ce jour-là une réaction de chef de bureau. Je préférais quand les chefs de bureau étaient chefs de bureau et pas ministres de la République.
Le renouvellement, la société civile en politique, c’est donc voué à l’échec ?
Je comprends qu’après des années à avaler de la politique indigeste, les Français aient eu besoin d’une pause, d’un reset. Mais le résultat est calamiteux. Cette idée de « société civile » cache l’absence de renouvellement. Il y a 20 ans on comptait plusieurs dizaines d’ouvriers et d’agriculteurs à l’Assemblée. Ils sont moins de dix aujourd’hui. La société civile des grandes écoles, des grandes entreprises, de la mondialisation heureuse ne représente pas forcément la société française. C’est un problème de caste. Il n’y a aucune respiration sociologique à l’Assemblée nationale.
Vous avez été, à 22 ans, le plus jeune conseiller général de France. Vous avez donc profité de cette aspiration des Français à plus de jeunesse, de diversité…
La diversité fait beaucoup de bien, la jeunesse aussi. À condition qu’on en fasse bon usage. Le danger c’est de rentrer dans le moule. C’est une lutte de chaque instant que de ne pas se laisser aller à penser, parler, agir comme les autres. De ne pas employer ces expressions qui donnent l’air intelligent trois secondes mais cachent le vide de la pensée (« changer de paradigme », celle-là me rend fou en ce moment !). Jordan Bardella en est l’incarnation. À quoi ça sert d’avoir 25 ans si c’est pour ressembler à ce point à un vieux ?
Est-ce pour ne pas ressembler aux vieux que vous êtes si indiscipliné à l’Assemblée ? Que vous y avez compté jusqu’à 117 au micro pour égrener le nombre de femmes mortes sous les coups de leurs conjoints ?
Je réfléchis toujours à l’utilité de mes actes avant de faire de la mise en scène à l’Assemblée. Le sujet des violences faites aux femmes est crucial. Si j’avais parlé comme un techno j’aurais emmerdé tout le monde. En comptant jusqu’à 117, je voulais plomber l’ambiance, marquer le coup pour cette grande cause.
En mars 2020 dans un café du 15e arrondissement avec des associations et des femmes victimes de violences conjugales, et sous les portraits encadrés de Zidane, Gilardi, L’abbé Pierre, Brel, Ferré et Brassens.
Coups d’éclat et transgressions pour faire valoir ses idées à l’Assemblée, c’est assez La France Insoumise, comme méthode…
Pas tout à fait, non. Je crois à la double tension entre le respect des règles et leur transgression. Il n’y a plus de transgression quand on est continuellement dans la transgression. Respecter les codes vous permet de donner une résonance particulière aux moments où vous les faites péter.
Chez les Insoumis la transgression est permanente. Elle s’est banalisée, et eux avec. Au contraire des communistes d’ailleurs, dont le premier d’entre eux, André Chassaigne, sait parfaitement respecter les codes quand il faut, et renverser la table quand c’est nécessaire.
Vous partagez d’ailleurs avec André Chassaigne le fait d’être élu d’une circonscription très rurale. Vous sentez-vous différents des députés de la « mondialisation heureuse » que vous évoquiez plus tôt ?
Bien sûr, mais je ne le vis pas comme un problème. En arrivant à l’Assemblée nationale, je suis passé pour un plouc parce que je n’avais pas fait de grandes études, que j’étais provincial… et Lotois. Je cochais toutes les cases du bouseux. Tant mieux. Dans cette époque aseptisée où règnent les clones politiques, le terroir fait du bien.
L’antagonisme est-il si fort que cela entre élus ruraux et urbains ?
Les intérêts des ruraux et des urbains sont en train de s’écarter. C’est frappant à l’Assemblée. Dans les grandes villes, la mondialisation a apporté l’augmentation des salaires, l’ouverture au monde et le fait de côtoyer des gens du monde entier. Dans les zones rurales, elle a apporté la fermeture des services publics, les salaires qui stagnent et la mise à l’écart. La solidarité entre ces deux parties du territoire s’étiole parce qu’on considère la ruralité comme un problème pour la Nation alors que c’est une chance. Les Allemands l’ont compris, pas nous. C’est en train de changer lentement, mais Emmanuel Macron n’ira pas très loin sur cette question. Il n’a aucune culture rurale. Et la culture rurale, ça ne s’apprend pas en passant ses week-ends au Touquet.
Vous dites avoir été moqué à l’Assemblée parce que vous n’avez pas fait d’études. Elles ont été si courtes que cela ?
Au lycée, je voulais faire de la recherche en physique appliquée. Puis j’ai étudié à la fac de droit de Toulouse. J’ai même passé un an en prépa au concours de Sciences-Po en Zep, au lycée Rive-Gauche de Toulouse. Une année passionnante, mais je n’étais pas fait pour la prépa. Je n’étais pas fait pour la fac non plus d’ailleurs. Je m’y ennuyais. Je trouvais la politique plus exaltante. Comme les cantonales étaient les premières élections à se présenter quand j’ai eu l’âge légal, je me suis porté candidat.
Vous avez choisi la politique pour fuir les études ?
Je fuyais surtout les conséquences de la maladie de mon père. Le cercle familial réduit, les relations restreintes, la maison refermée sur elle-même. Ma mère était trop noyée dans les problèmes pour m’empêcher de quitter la fac, de sécher les cours et de faire le tour des maisons du canton à mobylette pour convaincre les gens de voter pour moi.
Ils ont été faciles à convaincre ?
Je connaissais bien le territoire. Je suis né et j’ai grandi ici. Ma famille partageait sa vie entre Labastide-Murat et Vaillac, où mon père avait une petite entreprise de négoce de fruits. Pour autant, j’étais loin de connaître tout le monde. Le candidat d’en face était mon ancien instituteur, maire du village, pour qui j’avais un immense respect. Je me présentais avec l’étiquette UMP dans un canton qui votait à gauche. Tout pour plaire !
À bord de la Peugeot avec laquelle il avale les 500 kilomètres qui séparent son village du Palais Bourbon. Labastide-Murat, c’est beau, mais c’est loin.
Qu’est-ce qui faisait déjà de vous un homme de droite ?
Chirac, d’abord. S’il avait été de gauche peut-être l’aurais-je été aussi. Les convictions profondes aussi. Et le fait que ma génération est majoritairement de gauche, et que je ne supportais pas ce conformisme. Tous mes potes sont des gens de gauche indécrottables. J’ai d’abord été de droite par réaction.
Comment avez-vous fait pour remporter l’élection dans ces conditions ?
J’ai misé sur mes points faibles. J’avais écrit dans ma profession de foi : « Je ne suis ni un héritier, ni un notable, ni un apparatchik. » Et même si les vieux militants pensaient que j’allais dans le mur avec ce discours, ils m’ont suivi. Ils ont été admirables. À leur âge, aller coller les affiches d’un gamin de 20 ans… fallait le faire. Et puis je suis allé voir Annie, une ancienne secrétaire de mairie du village, militante RPR de longue date, qui connaissait tout le monde. J’ai passé dix jours à éplucher avec elle la liste électorale. Qui est fâché avec qui, les relations d’Untel avec Untel, les passions de celle-ci, les goûts de celui-là, j’ai tout noté. Et pendant ma tournée à mobylette, je relisais mes notes avant de sonner chez les gens. Rien de fictif. J’étais sincère. Je préférais parler avec les gens de leurs passions plutôt que de les emmerder avec des théories politiques.
Vous êtes élu à 22 ans unique conseiller général lotois de droite. Vous étiez sans doute étonné vous-même, non ?
J’avais peur de perdre. Non pas que je tenais à gagner, mais je craignais la fatalité. Mon angoisse c’était de me réveiller le lundi matin et de me dire : « Ok, on ne peut pas provoquer la vie. Tu n’es pas de ce milieu, tu n’as pas le parcours, pas les relations. C’était fatal. Tu ne pouvais pas y arriver. »
Déjeuner rituel à la cantoche de l’école du village (au temps de son mandat de maire de Labastide-Murat). La cuisine y est en partie alimentée par un potager pédagogique. Circuit plus court qu’à la cantine de l’Assemblée.
Les premiers jours au Conseil général, c’était comment ?
J’arrive là-bas, je suis le seul type de droite. Les autres sont sans étiquette ou majorité de gauche. Et je ne peux pas les supporter.
Pourquoi ?
Parce qu’ils sont insupportables. Cette espèce d’oligarchie, cette façon de donner des leçons en permanence… Gérard Miquel, qui était président du Conseil général, avec qui on s’est mis des plumées mémorables, et pour qui j’ai beaucoup de respect aujourd’hui parce qu’il m’a construit en creux, était tout ce que je ne voulais pas devenir. Le premier vote qui arrive c’est le budget. Le président me convoque dans son bureau auparavant, parce qu’il a appris que je voulais voter contre. Il me dit : « Tu peux pas faire ça. Ici, il y a une tradition : quand on est pas d’accord on s’abstient ». J’ai répondu : « On s’abstient quand on ne sait pas, et moi, je sais. Je n’aime pas ce que vous faites, je n’aime pas votre budget, je ne vous aime pas. Je vote contre ».
Comment les élus ont-ils réagi ?
Ils ont exploité mon jeune âge et mon manque d’expérience. Chaque fois qu’ils prenaient la parole ils commençaient par « Jeune homme ». Une de mes collègues s’adressait sans cesse à moi en disant : « Terminez vos études, engagez-vous dans une carrière professionnelle et venez nous donner des leçons ensuite ».
Ces critiques vous touchaient ?
Sur le moment, elles me donnaient surtout envie de donner des coups de boule. Je répondais pied à pied. J’ai dû être un petit merdeux, souvent. C’était des vieux cons, j’étais un petit con. Chacun jouait son rôle, bien à sa place. Mais au fond, ces critiques me travaillaient, et je comprenais bien qu’une expérience professionnelle me construirait. L’ennui, c’est que je ne savais rien faire. J’envoyais des CV, on me recevait poliment, et on m’expliquait que ce que j’avais appris en politique ne pouvait pas être utile à une entreprise. Jusqu’à ce qu’un jour, je rencontre Frédéric Gervoson, le patron d’Andros (dont le siège est à Cahors), au cours d’un déjeuner.
Il a trouvé à quoi vous pouviez bien servir ?
Au contraire. Pendant tout le repas, il a dézingué tous « ces politiques » qui n’ont jamais bossé de leur vie, ne connaissent rien à rien et feraient bien de voir un peu dans le monde du travail comment ça se passe. Ça m’a foutu dans une colère noire. Des mois qu’on m’envoyait bouler dans toutes les entreprises… Je lui ai dit : « Puisque vous êtes plus malin que les autres, prenez moi chez Andros. Et plutôt que de critiquer les politiques, apprenez-moi à faire vos compotes et vos confitures ».
Et il vous a embauché ?
Oui. J’ai passé trois ans extraordinaires dans cette entreprise. Gervoson, qui a l’âge de mon père, était le premier mec qui me tendait la main. Depuis nous sommes proches et je lui suis très reconnaissant. Usine, compta, marketing, j’ai tout fait. J’ai appris mille choses, voyagé, observé les sociétés et les comportements. Sans la brutalité du combat politique et sans les critiques violentes qui m’ont été faites, je serais sans doute passé à côté de cette expérience.
La politique, c’est aussi dur qu’on le dit ?
C’est d’une brutalité absolue.
Pourquoi se l’infliger ?
C’est une thérapie. Si on n’a pas de blessures à panser, on n’en fait pas, ou alors on en fait mal. Si tous les députés s’étaient engagés pour panser des blessures ou exorciser les injustices qui les ont marqués, ils seraient plus minutieux au moment de voter. Ils feraient davantage appel à leur conscience avant d’exécuter les ordres du chef. Les sujets pour lesquels on s’engage sont difficiles. Les violences conjugales, le handicap, les SDF, c’est d’une épaisseur, d’une lourdeur absolue. Il faut donc assumer la rugosité.
En vous écoutant on se dit que votre côté solitaire, imprévisible, cadre mal avec le rôle de secrétaire général d’un parti comme LR.
Ce n’est pas parce que les partis politiques sont malades qu’ils sont inutiles. Le parti, ce sont les convictions, la famille de pensée et la solidité collective. Christian Jacob est un vrai chiraquien. Pas du genre à vous lâcher. Toujours en appui, même quand ça tangue. J’ai son soutien sur les sujets des violences faites aux femmes et du handicap. Et puis je ne suis pas solitaire. Avoir de l’appétit pour les autres n’empêche pas le besoin vital de solitude. J’ai du mal avec les groupes. J’ai du mal avec les réseaux. Je suis d’ailleurs le premier député de droite à ne pas être franc-maçon (encore une fatalité. On m’avait dit que je n’y arriverais pas !). Je ne fréquente pas les pince-fesses, je vais le moins possible aux réunions de groupes.
Visite au foyer associatif Marthe-Robin de Gramat, où sont accueillis des pensionnaires atteints de déficience visuelle et de troubles associés.
Qu’abhorrez-vous dans les réseaux ?
Je refuse de céder une partie de ma liberté à des gens que je ne connais pas et qui formatent la pensée. Je tiens à ma liberté et au peu de temps libre que je m’octroie. Je veux pourvoir goûter à la solitude de la course à pied et du surf, qui sont mes grandes passions. Dès que je peux, le dimanche, je pars surfer. L’été, je fais trois semaines de surf, tout seul. Ça m’est indispensable.
Cela pourrait-il un jour vous empêcher de gravir de nouveaux échelons ?
Je me souhaite de ne jamais préférer une carrière à mes convictions.
N’est-il pas plus facile d’agir pour les « grandes causes » quand on est ministre plutôt que député ?
Xavier Emmanuelli, « petit » secrétaire d’État, a pu fonder le Samu social ! En voilà un qui peut dormir tranquille. Il a fait quelque chose de grand. Le mandat importe peu. Les convictions font tout. Et puis, on peut changer la vie dans tous les métiers.
Vous pourriez donc arrêter sans souci ?
Je rêve parfois d’ouvrir un bistrot au bord de l’Atlantique et de ne me poser aucune question à part quelle planche choisir en fonction des vagues du jour.
Cela suffit-il à se sentir utile ?
Non. C’est dramatique. La politique, en fait, c’est ma vie.