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Agnès Barber

Croix-de-Pierre – Route d’Espagne

Dernière mise à jour : 12 janv.

On ne pense pas toujours à ce petit quartier tout en long, coincé derrière son immense digue. Pourtant, le bruit des avions et une certaine anarchie urbanistique n’empêchent pas de chanter aux terrasses des cafés, dans cet endroit façonné par une réelle mixité.



C’est où ?

Juste à côté du centre-ville. Un petit quartier ceinturé par la Garonne à l’est, la ligne de chemin de fer à l’ouest et au sud, et le cimetière de Rapas au nord. Un quartier tout en long qui s’étire le long de l’avenue de Muret, puis au commencement des routes de Seysses et d’Espagne.


C’est comment ?

Petites toulousaines coincées entre de grandes barres d’immeubles des années 1960, résidences cossues des années 1980 avec moquette marron au mur et tennis-piscine, pavillons cubiques de l’après-guerre… le quartier témoigne des différentes vogues urbanistiques plus ou moins heureuses. Résultat, un quartier pas toujours très lisible mais attachant, et à la population mélangée.

À noter au 181 avenue de Muret, le beau bâtiment de l’INSPÉ, et son jardin édifié pour accueillir le pensionnat de l’école normale d’institutrices de la IIIème République.


Le cœur de quartier ?

La place de la Croix de Pierre, au pied de l’interminable pont du stadium. On y trouve un petit marché les mercredis et vendredis devant la façade noire du théâtre de la Digue. Le théâtre n’est plus ouvert au public depuis 2005 mais accueille des résidences de création, pilotées par la Compagnie 111.

Ne cherchez pas la croix en pierre, elle a été détruite par la terrible crue de la Garonne en 1875, qui a démoli plus de 1200 maisons dans la ville et fait plus de 200 morts. Une « nouvelle croix » a alors été encastrée dans le mur d’une maison à l’angle de la rue Lafage.


Garonne Croix de pierre
Garonne Croix de pierre: Photo: Orane Benoit

Diguededondaine

Il aura fallu plus de 50 ans pour que les habitants retrouvent l’accès à « leur » fleuve, avec l’aménagement de la digue en 2017. Avant sa construction à la fin des années 1960, les maisons et les cafés donnaient directement sur la Garonne. Les Toulousains venaient alors y passer le dimanche à la campagne. « Ils arrivaient pour manger au restaurant, se baigner, faire de la barque » se souvient Francis Pornon, un ancien du quartier. Construite pour protéger la rive gauche des inondations, beaucoup la jugent trop haute (8 mètres). Les grimpeurs eux, ne s’en plaignent pas.

Castafiore

Le Bijou, c’est une institution qui rayonne au-delà du quartier depuis 1987. C’est le lieu « des premières fois pour de nombreux chanteurs essentiellement francophones », explique Pascal Chauvet, le directeur, en précisant : « ce sont des artistes avec qui l’on peut discuter après le concert, dans l’autre salle, celle du café-restaurant ». Chaque mois, il est aussi possible de défier son voisin de table lors du Blind test du patron. Et, nouveauté : depuis le printemps, le Bijou accueille également une chorale amateur : une cinquantaine de personnes du quartier chante ensemble tous les lundis soirs. La bonne idée.


Le bijou, salle de concert
Photo: Orane benoit

Le bijou @Claude Juliette Fèvre


Sauveurs de bijoux

Côté Garonne, derrière la place de la Croix-de-Pierre, se cachent les Ateliers de la digue. Fabrice Jeandeau, ancien prof de joaillerie et chef d’atelier chez Marc Deloche, a ouvert cet atelier-boutique il y a 12 ans. Avec sa collègue Capucine, ils travaillent principalement l’argent, pour créer pendentifs, bracelets, et boucles d’oreilles originaux, tout en s’improvisant « sauveurs de bijoux » pour les habitants du quartier. « C’est tellement sentimental, un bijou, on vient même nous voir pour réparer des chinoiseries ! » Pas découragé et animé par le désir de transmettre, Fabrice propose des stages amateurs à la journée, pour créer son propre bijou. Une super idée cadeau.


Ateliers de la digue
Ateliers de la digue. Photo: Orane Benoit

Des vignes et des champs

On a du mal à imaginer que, dans les années 1950, au-delà de La Pointe, il y avait des vignes et des champs. Et pourtant ! C’est ce que nous décrit Francis Pornon, l’auteur de Toulouse, Petits secrets et grandes histoires, guide du promeneur curieux (éd. Sud-Ouest 2022). On apprend par l’écrivain que dans ces années-là, les moustiques sévissaient déjà, mais pas les avions, « les deux points noirs du quartier ». Ce poète engagé, fin connaisseur de l’histoire toulousaine, est né et vit ici : « C’est un quartier très populaire, qui a accueilli beaucoup d’immigrés espagnols. Il y avait aussi tous les ouvriers de l‘Onia. Petit, en allant à l’école avenue de Muret, je voyais des nuées de vélos : c’était les milliers d’ouvriers qui rejoignaient l’usine d’engrais chimiques. » Il avance : « La tragédie d’AZF a rapproché les habitants.»


Francis, auteur de Toulouse, Petits secrets et grandes histoires, guide du promeneur curieux (éd. Sud-Ouest 2022). Photo: Orane Benoit

La préférée

Elle a été élue « commerçante préférée » de l’année en 2021 par les habitants du quartier, et n’en revient toujours pas. Mambo, originaire de Côte d’Ivoire, est la patronne du bar-restaurant Le Mambikas, qu’elle tient seule avec l’énergie de celle pour qui envoyer 50 couverts tous les jours est un détail. À sa carte : une viande, un poisson « à l’africaine », avec des légumes de saison : « quand c’est la saison des asperges et poireaux, c’est asperges-poireaux, point ! » Aux beaux jours, l’immense terrasse au pied de la digue, palpite du groove simple et décontracté de sa patronne. « Si tu veux manger, il faut juste penser à réserver », avertit Mambo tout en servant quatre pintes et préparant la salade concombres-tomates de ses trois enfants, postés derrière le comptoir.


Mambo, élue « commerçante préférée » de l’année en 2021. Photo: Orane benoit

Pharmacien-résistant


Au 65 avenue de Muret, Mme Bourthoumieux-Gensane, pharmacienne, est une figure du quartier : à près de 90 ans, en jeans-baskets, elle arpente encore l’officine reprise par son fils, délivrant médicaments et bribes d’histoires à propos de son père résistant, le pharmacien Pierre Bourthoumieux : « Il faisait beaucoup de bien dans le quartier, il avait créé un club de basket. Il est parti à Lyon en mai 1945 et puis on ne l’a plus jamais revu. On pense qu’il a été dénoncé. J’avais une dizaine d’années…» Le héros résistant a une plaque, un rond-point et une rue a son nom : « Les clients font le lien avec le nom de la pharmacie et ils me posent des questions. Les gens connaissent bien l’histoire…»


Mme Bourthoumieux-Gensane, pharmacienne, est une figure du quartier. Photo: Orane Benoit

T’as quoi dans le casier ?

Dans ces petits casiers automatiques, au 75 avenue de Muret, 7 jours sur 7, de 7h à 22h, on trouve fromages, volailles, œufs extra-frais, miel… en libre-service. Cornelia Fricker, la créatrice du concept des casiers fermiers, dévoile, pragmatique : « Je travaille à la ferme de Cabriole dans le Lauragais, mais j’habite au-dessus du local, cela me permet de ne pas avoir à tenir la boutique. » On peut toutefois rencontrer la fermière-entrepreneuse, lors d’apéros-dégustations. Ouf !


Dans ces casiers fermiers, on trouve fromages, volailles, œufs extra-frais, miel... en libre-service. Photo: Orane benoit

Souvenirs d’AZF

Le rond-point hommage du 21 septembre 2001 : le quartier a payé un lourd tribut à l’explosion de l’usine AZF toute proche. Depuis cette intersection, on peut choisir d’aller route d’Espagne vers le Canceropole, sinon d’emprunter la dangereuse route de Seysses sur laquelle marcher et faire du vélo relèvent de l’acte de bravoure. L’axe particulièrement inhospitalier devrait être enfin aménagé. Bonne nouvelle.

Jam aux Ogresses

Sur l’avenue de Muret, on connaît moins le bistrot des Ogresses que le Troquet Garonne, célèbre pour ses brunchs (un peu chers) et son exceptionnel jardin-terrasse. Pourtant, Les Ogresses, c’est un petit monde à découvrir : on y chante le mardi soir, on y tricote le mercredi, on y cause Tango, on y danse certains samedis, et on peut s’y abriter en cas de harcèlement de rue : le café fait partie du dispositif « Ici, demandez Angela ». Adèle et Zina ont repris ce petit troquet dans son jus en 2020. Après s’être relevées de la période Covid, nouvelle tuile : le bâtiment est voué à être rasé pour faire place à une énième résidence. Elles préviennent : « On ne se laissera pas faire ! » Les habitants comptent sur elles pour maintenir l’un des rares lieux de convivialité du « bout » du quartier et l’unique café du coin où les femmes osent entrer.


Le bistrot des Ogresses. Photo: Orane Benoit


5_questions à Julie Pharamond, maire du quartier Croix de Pierre, Route d’Espagne


L’esprit du quartier ? Un village, les habitants se connaissent et les populations sont très mélangées. Il y a beaucoup de repas de rue par exemple.


Un lieu ? La promenade des berges de la Garonne : quand j’y suis, je me sens vraiment à la campagne, proche de la nature.


Un projet ? La passerelle piéton-vélo vers l’île du Ramier qui doit être accessible en 2024. Elle donnera sur un jardin municipal.


Une couleur ? L’émeraude, comme l’évoque Claude Nougaro à propos de la Garonne.


Un moment ? Le samedi après-midi, quand les familles prennent le temps, au jardin Maurice Bécanne, près du dojo… J’aime ce lieu, peut-être parce que je suis prof de judo également !


Julie PHARAMOND, maire de quartier. Photo: Orane benoit

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