Peu répandu, le métier de biographe hospitalière reste confidentiel en France. Tout au plus, serait-il exercé, selon Valérie Bernard, par une dizaine de personnes. Bien qu’ayant toujours travaillé dans le milieu hospitalier, c’est en regardant, à la télévision, l’émission Mille et une vies présentée par Frédéric Lopez qu’elle le découvre au travers de Valeria Milewski, précurseure dans le métier. Une découverte en guise de coup de foudre pour cette infirmière de formation qui décide, après s’être formée à cette nouvelle pratique, de fonder son association, Notes de vie. Aujourd’hui, elle accompagne les patients du service des soins palliatifs du CHU de Toulouse qui le souhaitent en rédigeant les morceaux de vie qu’ils veulent mettre par écrit, souvent en vue d’une transmission de la biographie à leurs proches. Et ce dans l’objectif de laisser une trace, ou encore de donner un sens à leur histoire. « Pouvoir poser les choses et sortir du contexte de la maladie permet de se trouver voire de se retrouver » raconte Valérie Bernard. Selon Corétha Garnier, psychologue dans la même unité, le processus a différentes vertus : « Le malade ne se perçoit plus comme enfermé dans son corps, retrouve de l’estime de soi, et communique plus facilement avec les soignants ».
Quand la collégialité fait l’intimité
L’équipe médicale participe d’ailleurs à sa façon à la mise en place du dialogue entre la biographe hospitalière et les patients. Peu importe le poste – infirmière, aide-soignante, médecin, ou psychologue – chacun(e) peut suggérer à Valérie Bernard le nom d’un patient auquel l’élaboration d’une biographie hospitalière serait bénéfique. « Je fais part à Valérie de mes ressentis quand j’ai l’impression qu’un patient serait enclin à l’échange, et toute l’équipe communique beaucoup avec elle » rapporte Sandrine Junqua, médecin. Une fois le projet présenté et proposé au patient, la biographe rencontre une première fois le malade et se présente, avant de se voir à plusieurs reprises afin de dialoguer, en toute intimité.
Une intimité aussi possible grâce aux autres membres de l’équipe de soin. « Nous faisons en sorte de ne pas parasiter les entretiens avec Valérie ; nous aménageons un temps de repos avant l’entrevue, nous décalons les horaires de soin… », explique Sylvie Delbosc, infirmière. Par la suite, et si le patient est d’accord, certains éléments du dialogue sont partagés avec la psychologue, afin de lui donner des pistes de travail. Corétha Garnier juge en effet la biographie hospitalière comme un projet de soin très riche : « Valérie Bernard ne fait pas qu’accuser réception des mots, elle tisse un lien dans l’instant présent » assure la psychologue.
Médecine et science, même combat ?
Au-delà de l’aspect relationnel, il y a le terrain concret des effets de ce type de biographie. « Les patients sujets à l’anxiété n’ont parfois plus besoin de certains médicaments après avoir participé au projet » explique Corétha Garnier qui n’inclue pas pour autant la biographie hospitalière dans le carcan de la médecine, mais la considère comme un soin spirituel. S’accordant sur la dimension humaine et incorporelle de la profession de Valérie Bernard, la médecin Sandrine Junqua considère que les médicaments ne sont que des outils : « Il ne faut pas se borner à faire de la médecine une science » déclare-t-elle. Aider le personnel du service des soins palliatifs fait partie des objectifs de l’ancienne infirmière : « Il peut être très compliqué de gérer les troubles du comportement de certains patients désorientés » affirme-t-elle.
Sandrine Junqua a en tous cas constaté de nettes améliorations chez les patients suivant un traitement psychotrope après leurs échanges avec la biographe hospitalière. Les conséquences sont aussi psychologiques comme l’explique Corétha Garnier : « La biographie hospitalière est une réelle parenthèse de vie qui participe à la fois au travail du trépas et à la renarcissisation du malade ». Encore une fois, il est donc principalement question d’apaiser les angoisses et de redonner confiance en soi. Valérie Bernard aimerait pouvoir étendre sa pratique à d’autres unités du CHU afin de propager ces bienfaits à ceux qui en auraient besoin, notamment les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Car pour elle, « on est ce qu’on a été, et on le reste jusqu’au bout ».