Fondatrice du premier club économique paritaire à Toulouse, Sophie Iborra siège depuis deux ans au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Convaincue que la société française a pris la bonne direction sur ce sujet, elle estime qu’il faut intensifier les actions sans jamais exclure les hommes de la lutte.
Sophie Iborra, après avoir mené localement de nombreuses actions, vous avez été nommée, en 2019, par Marlène Schiappa au sein du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Quel bilan établissez-vous ? Je rencontre toutes les actrices et tous les acteurs concernés par ces questions. De ces échanges découlent des propositions soumises au gouvernement. Ma mission allie donc le terrain et la loi. C’est l’idéal ! Je suis fière que certaines idées aient été reprises par le gouvernement.
Pourquoi cet engagement ? Petite, je voyais bien le machisme ambiant et les différences entre les filles et les garçons. Je ne supportais pas ces injustices et je voulais faire évoluer les mentalités. En 2013, j’ai créé EXAEQUO, le premier Club Économique Paritaire de la métropole toulousaine. C’était avant le tsunami #MeToo, nous n’étions pas nombreuses. Les consciences n’étaient pas aussi éveillées qu’aujourd’hui. Depuis cinq ans, on assiste à une multiplication des réseaux de femmes. Cette évolution est due à la nouvelle génération qui poursuit le chemin des féministes d’hier.
Vous vous définissez comme « féministe et engagée”. Qu’est-ce-que le féminisme ? Question épineuse. Je suis à la fois très fière de revendiquer mon féminisme et gênée car je considère que le mot « féministe” est utilisé à tort et à travers. Il y a autant de définitions que de femmes et d’hommes sur terre. Pour moi, c’est un universalisme.
Vous insistez sur l’inclusion des hommes dans ces luttes. Pourquoi ? Comment défendre l’inclusion des femmes en excluant les hommes ? C’est contre-productif. Je rencontre peu d’hommes machistes, sexistes, antiféministes. J’en rencontre en revanche beaucoup qui se sentent agressés, menacés et qui ne comprennent pas cette haine généralisée envers la gente masculine. Je reconnais qu’à l’époque de ma grand-mère ces mouvements radicaux ont permis de faire avancer la cause féministe. Mais aujourd’hui, il faut fédérer au maximum autour de ces questions.
D’où votre souci de la transmission ? Elle est capitale ! Pour faire avancer les mentalités, il faut connaître l’histoire du féminisme en France, comprendre d’où l’on vient et ce qui reste à parcourir. Ça commence par la transmission intrafamiliale. J’ai été élevée par une maman et une grand-mère qui m’ont inculqué des valeurs. Mais il y a aussi la transmission transversale, par exemple ce qu’une cheffe d’entreprise peut apporter à une jeune femme qui débute.
C’est ce qui explique que vous interveniez principalement dans le monde du travail ? Je suis entrepreneure, j’ai créé plusieurs sociétés. Grâce à mon expérience, je suis au plus près des préoccupations des femmes. Je continue à m’investir au sein de la CPME 31 avec le programme MIX HER, qui met en place des actions dédiées à l’égalité professionnelle et aux femmes cheffes d’entreprise. C’est tout au long de mon parcours que cette spécificité dans l’entreprenariat et l’économie s’est développée pour être aujourd’hui au cœur de mon combat pour l’égalité.
Quel est votre avis sur l’utilisation des réseaux sociaux pour sensibiliser, organiser et parler du féminisme ? C’est un formidable outil. Ils ont agi comme un accélérateur en portant nos idées partout. Le mouvement #MeToo en est le point culminant. Internet fédère des femmes dans le monde entier. C’est donc une très bonne chose ! Le revers de la médaille, ce sont les violences en ligne.
Comment expliquez-vous le foisonnement d’initiatives en faveur du féminisme à Toulouse ? Toulouse a toujours débordé d’hommes et de femmes qui s’engagent. C’est notamment le cas sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes avec une multiplication de réseaux, d’événements, d’initiatives et d’idées. Le panel est large, c’est une grande richesse. J’ai été, cette année, membre du Jury pour le concours d’écriture toulousain Sororistas dont l’objectif était de mettre en lumière la parole des femmes. J’ai eu la chance de lire des textes magnifiques sur leur vision du monde de demain. C’est encore une de ces belles histoires qui naissent à Toulouse et qui prennent une ampleur nationale.
Comment voyez-vous l’avenir ? Je suis globalement confiante. La situation n’évolue pas suffisamment vite, mais elle évolue dans le bon sens. Il ne faut rien lâcher. Si on faiblit, si on ne démontre plus, si on ne propose plus, si on ne fédère plus, surtout en période de crise économique et sociale, on risque de tout perdre. La prise de conscience est la première étape. La deuxième, c’est l’action, et c’est maintenant.