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BOUDU

Georges Méric : « Une carte à jouer dans le tourisme durable »

Vous ne vous doutiez pas que cette décision déclencherait une telle réaction ?

Si, bien sûr. Je l’avais d’ailleurs anticipé. Le cauchemar climatique, il est là. Les gens sont angoissés et une couche de la population a la volonté de se mobiliser. Je le partage. Mais je n’avais pas le choix. Il faut bien comprendre la situation. Cette année, on n’a pas eu de neige à Noël. Du coup, les stations ont dû fermer ce qui a fortement pénalisé les commerçants locaux, les saisonniers, les moniteurs de ski… En principe, la première semaine de février permet à tout le monde de se refaire une santé. Avec le manque de neige cette année, cela n’a pas été le cas. Il fallait donc agir.

C’est-à-dire ?

On a d’abord signé une convention, avec la CCI, pour aider les commerçants et artisans comme on l’a fait à Toulouse au moment des gilets jaunes. Mais ce n’était pas suffisant. Là encore, la situation était simple : si l’on ne parvenait pas à maintenir ouvert l’espace baby, c’était toute la station de Superbagnères qui fermait. Ce n’était pas possible. Même si je savais que l’héliportage de neige allait créer une véritable émeute médiatique, je ne pouvais pas laisser notre fleuron touristique fermer. La casse en termes d’emploi aurait été trop importante.

Le principe de réalité économique a donc prévalu…

Oui et je l’assume totalement. D’autant que l’opération, qui n’a duré que trois heures, n’a pas été si terrible que ça. Je rappelle que 50 tonnes de neige, cela représente moins de deux semi-remorques. Et si l’on veut parler du bilan carbone de la station, il sera meilleur cette année vu que nos dameuses ne tournent pas la nuit.

En résumé, c’était exceptionnel ?

Mais bien sûr ! On n’est pas des fous à vouloir réenneiger des pistes de ski ! Ce n’est pas moi qui suis hors sol. On a jugé qu’il fallait sauver les vacances de février. Mais cela n’a pas vocation à être renouvelé. Tout est critiquable en ce moment et les réseaux sociaux sont un déversoir. Je rappelle cependant que le Conseil départemental mène depuis plusieurs années une politique de prévention et de protection de notre biosphère remarquable avec 150 millions investis. Donc il ne faut jeter le bébé avec l’eau du bain…

On vous sent agacé…

Il faut bien comprendre la réalité. On n’est pas aller enneiger des pistes mais un remonte-pente pour enfants pour qu’ils puissent avoir leurs cours et que les 60 moniteurs ne perdent pas leur emploi. Je comprends que l’image d’un hélicoptère transportant de la neige ait pu choquer. Mais j’ai fait le choix de protéger les emplois en haute montagne parce que la fracture territoriale est ici une réalité. N’oublions pas que le ski est l’une des principales ressources économiques du Luchonnais.

N’est-ce pas ça, précisément, le problème ?

En effet et c’est notamment dû au fait que l’on s’est longtemps considéré, en Haute-Garonne, comme un département riche. Du coup, la politique touristique était un peu le parent pauvre. Les choses ont changé lorsque je suis devenu président. Pour moi, le sud du département est une richesse insuffisamment exploitée qui a un avenir assez important. à condition de mettre en place une stratégie de diversification.

Pourquoi une stratégie de diversification ?

Parce que même si le ski demeure un élément d’attrait important, il ne constitue pas l’avenir. Et le rapport de la cour des comptes en 2016 indique très clairement que toutes les stations de ski vont rencontrer de gros problèmes à l’avenir, notamment dans les Pyrénées. C’est pour ça que nous avons créé, en concertation avec les élus locaux, le syndicat mixte Haute-Garonne montagne financé à 80 % par le département et 20 % par les communes concernées.

Quelle est la vocation de ce syndicat ?

La stratégie est de conserver un outil économique actif, autour de la restauration, de l’hébergement et des services, tout en le faisant doucement muter. On a donc lancé un projet d’investissements de 25 millions d’euros qui vise à sécuriser l’accès à Superbagnères, à réaménager, sur les autres stations, les champs de neige et à envisager la mise en place d’autres activités comme une tyrolienne ou à encourager la venue d’acteurs privés autour de nouveaux services comme les chiens de traineau, la randonnée VTT ou la découverte de la montagne à pied avec des guides thématisés. Mais l’essentiel est vraiment de sauver les emplois.

Combien d’emplois sont concernés ?

25 % des salariés du piémont dépendent indirectement du ski. Soit 1 700 personnes. La neige a beau ne pas être l’avenir, il était indispensable de les sauver. Pour parvenir à créer des emplois in situ, il faut augmenter les flux. D’où la création de circuits autour de nos bijoux qui sont, par exemple dans le Comminges, Saint-Bertrand-de-Comminges, l’abbaye de Bonnefont, la villa de Montmaurin ou le musée de l’Aurignacien, reconnu dans le monde entier.

Ça sent le sapin pour le ski, non ?

Quand on a des monts à 3 222 mètres il faut le dire et les montrer en toute saison. Il y a déjà beaucoup de randonneurs l’été. La montagne est belle toute l’année. Comme le désert, c’est un autre monde qui fascine. Donc je ne pense pas qu’elle rencontrera une désaffection si l’on ne peut plus y faire du ski. Les gens ont une volonté de retour vers la nature et la montagne est propice à ça. C’est un des derniers espaces de liberté qui permet de se ressourcer. Nous avons une vraie carte à jouer dans le tourisme durable.

Vous vous êtes donnés cinq ans pour mener à bien votre stratégie de diversification. N’êtes-vous pas inquiet au vu des températures record de cet hiver ?

D’après les météorologistes, les vraies difficultés devraient arriver sur les 15 ans à venir, ce qui nous laisse le temps de nous retourner. Cette année est catastrophique mais ce ne sera pas le cas chaque année. Dans notre plan, on avait d’ailleurs considéré que nous aurions une année catastrophique, deux pas très bonnes, et deux moyennes. Ça veut dire que l’on a grillé notre joker d’entrée…

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