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Jean Couderc

Catherine Grèze : « L’État savait qu’il ne pourrait jamais poser la première pierre de cette retenue »


Lorsque Catherine Grèze est élue députée européenne EELV en 2009, la zone qu’elle est censée couvrir est tellement vaste, de Bayonne à Pont-du-Gard, soit 18 départements, qu’elle ne sait où donner de la tête. Mais le dossier Sivens s’invite tout de suite en haut de la pile. Alertée par des associations tarnaises, elle se rend vite compte « que le projet est surdimensionné, avec seulement 20 agriculteurs et 309 hectares concernés pour un investissement de 8,8 millions d’euros, alors que l’on a déjà 185 retenues collinaires sur la zone. » Mais aussi qu’il ne respecte pas la législation européenne. Vu qu’il y a des fonds FEDER en jeu, elle dépose une première interpellation auprès de la commission européenne autour d’une question simple : Est-elle prête à financer un projet qui va noyer une zone humide ? Le projet n’étant alors pas suffisamment avancé, la commission invite la députée à renouveler sa demande plus tard. Elle comprend néanmoins que ce dossier ne ressemble pas à ceux qu’elle a l’habitude de traiter : « En général, une procédure écrite de ce type suffit, explique-t-elle. Le projet est retiré directement parce que les gens comprennent que la commission va y mettre son nez. Et ils n’aiment pas ça. »


Après une seconde interpellation, en juin 2013 consécutive au vote du projet par le Conseil général du Tarn, jugée elle aussi prématurée, Catherine Grèze interpelle une troisième fois la commission européenne le 8 octobre, au lendemain de la décision d’autorisation délivrée par le préfet.


C’est le tournant du dossier. Cette fois-ci, la commission décide de demander des informations aux autorités françaises pour s’assurer que les objectifs de la directive-cadre ne sont pas menacés. « En général, ça arrête tout, parce que forcément c’est étayé. » Sans nouvelles trois mois plus tard, alors que le déboisement est planifié en février, elle interpelle à nouveau la commission pour savoir si l’État français a répondu. La commission répond qu’elle attend toujours. « Cela signifie que la France s’apprête à démarrer un déboisement en connaissance de cause », décrypte la députée.Le 24 février, voyant la tension monter sur le terrain, elle décide d’interpeller une cinquième fois la commission en mettant en avant la mesure 125-B1 qui définit les investissements collectifs hydrauliques agricoles des fonds FEDER. « Quand on sollicite les fonds européens, le taux de l’aide publique dépend d’un critère d’augmentation des zones irriguées. On ne peut avoir un financement public qui dépasse un certain seuil. Or le montage réalisé par le CG81 et la CACG était irrecevable et illégal. »


La commission ne tarde pas à répondre que les autorités françaises ayant communiqué les éléments le 7 mars, elle a besoin d’un peu de temps pour les évaluer. Battue lors du scrutin européen en août, Catherine Grèze reste dans l’inconnu jusqu’au 14 novembre 2014 et une réunion du Comité scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN), où elle apprend que la commission européenne a rejeté les réponses de la France le 28 juillet. « Ce qui veut dire que depuis cette date, l’État français savait qu’il ne pourrait jamais poser la première pierre de cette retenue. Et donc qu’aucun arbre n’aurait dû être coupé à Sivens. » Si la France finira par être condamnée, l’épisode laisse un goût amer à Catherine Grèze : « Il y a un militant écolo qui meurt tous les jours dans le monde. Jusqu’à Rémi Fraisse, ce n’était presque jamais arrivé dans une démocratie. Mais face à des gens qui se sentent tout-puissants… »

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