Que vous ont appris les événements de ces derniers mois ? Rien que nous ne sachions déjà. Que nous sommes vulnérables. Que nos moyens de communication propagent les virus à vitesse grand V. Que notre rapport au monde, à la vie et à la mort est différent de celui des générations précédentes.
Que voulez-vous dire ? Il y a une ou deux générations, on mourrait plus jeune. On accueillait la maladie comme une fatalité. Nous, nous profitons des progrès de la médecine curative et de l’efficacité des outils prédictifs. Nous vivons avec un filet médical. La maladie, la mort, sont plus difficiles à avaler.
Comment cela se traduit-il dans la crise du Covid-19 ? Depuis le H1N1, on anticipe, on sur-réagit. On applique le principe de précaution. La crise que nous traversons est due à la mondialisation de ce principe de précaution. C’est une bonne chose, parce que depuis 15 ans, les professionnels de santé se préparent à subir LA grande épidémie. Un virus HxNx, comme celui-ci, mais plus contagieux et plus mortel encore.
L’épidémie semble maîtrisée en Occitanie. Comment l’expliquer ? L’Occitanie a eu la chance de ne pas être débordée du jour au lendemain comme la région Grand Est. Les centres Covid ont donc été installés sereinement. C’est une grande réussite et une arme pour demain. À l’avenir, on sera capable de les rouvrir en moins de deux jours. C’est aussi une réussite humaine. Dans notre centre du Lherm, on est passé en 24 heures de 5 à 90 professionnels de santé volontaires et bénévoles. Le Covid-19 a stimulé la solidarité entre professionnels de santé. Ils ont été vraiment à la hauteur.
Et les citoyens, vous les avez trouvés à la hauteur ? À vrai dire, j’étais persuadé que les Français seraient moins disciplinés ! Quand on est médecin, on constate tous les jours leur indiscipline dans l’observance de leur traitement (un mal français !) Mais pour le confinement, il me semble qu’ils ont fait preuve de responsabilité.
Nous avons appris à porter des masques, à nous laver les mains, à cesser de nous embrasser. Faudra-t-il conserver ces habitudes ? Ce serait bien. Un nombre incalculable de problèmes de santé pourraient être améliorés par la généralisation de ces gestes. Les maladies nosocomiales dans les hôpitaux, la transmission des virus dans les cabinets libéraux etc. Comme tous mes confrères, l’hiver, je serre la main de mes patients et je ne porte pas de masque. Je peux attraper un virus et le transmettre sans m’en apercevoir.
Serrerez-vous encore la main de vos patients à l’avenir ? Si nous ne le faisons pas, la nouvelle génération, elle, n’hésitera pas. Les enfants qui ont vécu cette crise vont garder cela en eux. Ce sera profitable pour les virus mortels et très efficace contre les gastros et les virus saisonniers, tellement coûteux pour la société.