S’il est sans doute le plus connu de Toulouse, le quartier, qui doit son nom à l’installation de religieux de l’ordre des Minimes en 1493, ne se résume pas à son église, Nougaro, Zebda ou BigFlo&Oli. Avec plus de 40 000 habitants, c’est l’un des plus grands. Après avoir longtemps vécu à l’écart du tumulte du centre-ville, il fait de plus en plus parler de lui. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à cultiver sa singularité et de préserver sa mixité sociale et générationnelle. En voici quelques exemples.
Taquiner le but
Plus grand boulodrome couvert de la ville avec ses 43 terrains, le Palais de la pétanque Colette Dumont constitue le refuge idéal pour les amoureux de la petite boule en métal. S’il faut, en principe, une carte pour pouvoir jouer, le Toulouse Pétanque Olympique qui gère les installations offre une cession gratuite pour découvrir le lieu. Pour ceux que le jeu de boules indiffère, la fresque monumentale (la plus grande jamais réalisée à Toulouse) qui recouvre le très long mur extérieur, réalisée par l’artiste toulousain Nicolas Giraud, alias 100Taur, vaut indiscutablement le détour.
Le sourire du quartier des Minimes
Installé dans son épicerie rue Frédéric-Estèbe, Hicham est sans conteste l’une des figures du quartier. De mémoire d’habitant des Minimes, personne ne l’a jamais vu sans le sourire aux lèvres. Facile pour le principal intéressé tant ses clients, « qu’il connaît tous par leur prénom », constituent une seconde famille : « Tous les matins, on vient me porter le café, des viennoiseries. Les gens s’arrêtent, on discute. Les liens que j’ai créés avec eux sont très forts ». De quoi oublier les 13 à 14 heures de travail quotidien et les réveils très matinaux : « C’est que la bonne marchandise, elle part de bonne heure ».
La chaleur du désert
Il faut une bonne dose de courage pour monter une librairie. A fortiori quand on choisit de l’établir avenue des Etats-Unis, dans cette artère improbable des Minimes qui ressemble plus à une cour des miracles qu’à une ruelle proprette du quartier Saint-Etienne. De cette contrainte, Aude et Elias décident pourtant de faire une singularité. Et un nom, le Chameau sauvage, autant que pour l’hommage à l’auteur Philippe Jaenada, Prix de Flore en 1997 devenu le parrain de la librairie, que pour signifier leur volonté de donner au lieu une coloration décalée et engagée. En dépit des difficultés, le Chameau a trouvé sa place dans le quartier. Les habitants se sont appropriés le lieu, viennent y travailler, déguster un plat ou une boisson chaude dans la partie café voulue pour inciter les gens à pousser la porte, « parce que pénétrer dans une librairie peut être intimidant ». Et chercher des conseils de lecture : « On ne se voit pas comme des commerçants. »
© Le Lapin Jaune – Photographies
Voyager en cuisine
Entre le monde de Jennah, la Milonga, le Vieux Pékin ou la Taberna Dom José, les Minimes abritent ce qui se fait de mieux en matière de cuisine marocaine, argentine, chinoise ou portugaise. Mention spéciale pour les Mascareignes, niché dans la rue Frédéric-Estèbe, juste à côté des anciens studios de FMR (que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître). Dans ce p’tit restaurant tenu par Nadia et Patrice, on déguste une cuisine créole maison aussi généreuse que ses patrons. Avec l’étrange sensation de faire partie de la famille.
L’art du troc
Aux Minimes comme ailleurs, les bonnes idées naissent souvent autour d’un apéro. Celle du Kikakwa trouve sa source dans le parc de la rue des Anges, où quelques parents d’élèves ont pris l’habitude de se retrouver le vendredi après l’école pour partager une bière et des chips. Le concept est tout simple : créer un réseau d’habitants autour du prêt : « On possède tous des objets qu’on utilise rarement. L’idée est de se les prêter quand on en a besoin », explique Axel Jorge, fondateur et administrateur de la plateforme. Sur Kikakwa, une règle d’or : l’argent est proscrit. « Et si je casse, je remplace ». 15 ans après sa création, le réseau rassemble près de 150 utilisateurs et se gargarise de voir « 95 % de ses demandes satisfaites immédiatement ». Une dizaine de groupes se sont créés sur le modèle des Minimes dans d’autres quartiers de Toulouse, Montauban, dans le Nord de la France et jusqu’au Brésil.
La photo crée du lien
Lorsque le couperet du second confinement tombe, la photographe Manon Avram a l’idée de demander aux habitants de photographier leur quotidien depuis leur fenêtre, et d’utiliser leurs façades comme lieux d’exposition. Un projet artistique nommé 1h-1 km (histoire de rappeler la distance et l’heure autorisées pour les déplacements). 250 contributeurs répondent à l’appel. Rien d’étonnant pour cette chorégraphe qui sait qu’il y a les ingrédients, dans ce quartier, « pour donner vie à ce type de projet. » Aujourd’hui, elle lance un nouveau défi : interroger deux générations autour de la pratique manuelle, passée et à venir. « Parce que les mains sont le témoin de l’histoire, sans doute davantage que le visage. » Et aussi parce qu’il est « important de faire parler nos enfants avec les personnes âgées. » Avec l’idée, non pas de se demander « si c’était mieux avant » mais plutôt de créer les conditions du dialogue. L’exposition devrait s’afficher à partir de la première quinzaine de juin sur les façades des riverains et de certains bâtiments publics.
Refuser la fatalité
Aux Mazades, on n’est pas du genre à baisser les bras. La fermeture de plusieurs commerces ces dernières années peut faire basculer le quartier du mauvais côté. Une issue que refusent une poignée d’habitants qui, autour de Sabine, décident de créer une épicerie coopérative pour « reprendre le quartier aux mains des dealers ». Pour relancer une dynamique, quoi de mieux qu’un totem universel : la nourriture. L’objectif est aussi simple qu’ambitieux : proposer des produits locaux, bio dans la mesure du possible, à des prix raisonnables. Pour que manger sainement ne soit pas réservé qu’à une élite. Ô Mazettes a ainsi vu le jour le 12 avril 2021 autour d’un fonctionnement purement associatif où l’on vend pratiquement à prix coûtant. Un an et demi après, le pari est gagné avec 950 adhérents (avec une adhésion à 1 euro) et une réappropriation de l’espace public autour d’un lieu « où l’on vient plus que pour acheter un kilo de carottes ».
Culture pour tous
Haut-lieu du deal il y a encore quelques années, la rue des Anges est sans doute l’exemple le plus spectaculaire de la mutation du quartier Negreneys. Avec en point d’orgue la Passerelle, café associatif aux multiples visages, partie visible d’un iceberg culturo-associatif qui ne cesse de croitre. Tout commence en 2013 lorsque Sozinho, une association culturelle qui organise des évènements partout dans la ville, décrète Negreneys Quartier d’art prioritaire. Convaincu que l’on peut changer des choses en bas de chez soi, l’équipe ouvre ses activités sur le quartier… et ça marche ! C’est ainsi que naît le projet de la Passerelle avec l’ouverture, en 2018, d’un lieu d’art, puis en 2020, du café que Doni, le directeur de Sozinho, préfère appeler lieu de vie parce qu’ « on n’y consomme pas comme ailleurs ». Depuis, les projets s’enchaînent : cuisine, salle polyvalente, lieu dédié au numérique, résidence d’artistes, jardin pédagogique, la Passerelle s’affirme comme le poumon du quartier où la vie a repris le dessus et où l’on se plait à apporter un puissant démenti à l’air du temps : « La mixité des publics, ça peut marcher. Ici, on a aussi bien des femmes voilées que des jeunes qui boivent de la bière. »
6_questions à Cécile Dufraisse, maire de quartier des Minimes
Ce qui symbolise le mieux l’esprit du quartier ? Le tissu associatif très dense qui apporte de la vie et de l’animation.
Ses points forts ? Sa diversité culturelle (le centre culturel, le théâtre des Mazades…), le stade Arnauné ouvert sur le quartier, les nombreux commerces de proximité.
Un lieu ? Les berges du canal latéral le long du boulevard de Suisse/Genève.
Un petit plaisir ? Déjeuner chez Ma-Ma Sushi ou boire un chocolat chaud chez Antoine Fornara.
Une couleur ? Le bleu du TO XIII.
Une heure ? Le matin, au moment où tout le monde est en effervescence, où les enfants vont à l’école et les adultes au travail pendant que les commerces ouvrent.