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Sébastien Vaissière

Les nouveaux paysans

Xavier David  est à la fois patron de supermarché et chef d’exploitation agricole. On trouve dans son Super U de Lavaur (Tarn) des légumes bio cultivés à un jet de pierre des rayons, dans la ferme qu’il a acquise en 2019. Une démarche unique en France qui a passé les épreuves du Covid et de l’inflation.



Votre supermarché couplé à une ferme est une initiative unique en France. Comment cette idée vous est-elle venue ?  C’est un projet de couple que je mène avec mon épouse Yolanda Muñoz. Je suis breton, elle est du sud de l’Espagne. Nous avons commencé notre carrière professionnelle à Paris. Moi dans le marketing bancaire, elle dans un grand groupe agroalimentaire. À 30 ans, on a quitté Paris pour s’orienter vers la grande distribution. On est arrivés à Lavaur pour reprendre un magasin qui ne marchait pas bien. 


Débarquez-vous avec en tête l’idée d’acheter une ferme pour alimenter le magasin ? Loin de là. On a commencé par agrandir et développer le magasin. En 2016, les objectifs étaient atteints. Alors, la bougeotte nous a repris. Comme on ne voulait pas repartir à zéro, on a décidé de se faire plaisir. On a toujours été conscients de l’importance de bien manger, mais on avait du mal à trouver, dans le département, des maraîchers bio capables, dans la durée, de fournir les quantités nécessaires à l’approvisionnement du magasin. On a imaginé qu’en cultivant nous-mêmes les légumes, on assurerait à la fois la qualité, tout en maîtrisant les approvisionnements. C’est ainsi qu’on s’est mis en quête de terres agricoles. 


Un supermarché qui cherche des terres… la chose a dû surprendre le milieu agricole ! Lors des premiers rendez-vous, on ne révélait pas qui nous étions, de peur qu’on juge mal nos intentions. Finalement la Chambre d’agriculture et la Safer nous ont fait bon accueil.  


Avez-vous trouvé rapidement une ferme correspondant à votre projet ? J’imaginais cultiver 4 ou 5 hectares pour commencer. Pas davantage. Et puis en 2019, on nous a contactés pour une ferme de 35 hectares à quelques minutes du magasin. Un truc de fou ! J’étais sur le point de refuser, mais on nous a fait comprendre que quand on vous propose de la terre… il ne faut pas refuser ! Nous avons présenté notre projet. À notre grande surprise, il a été accepté. 


Vous exploitez donc 35 hectares à ce jour ?  Ce sera le cas en 2025. Pour l’instant, conformément aux demandes de la Safer, l’agriculteur qui exploitait les terres lors de la vente en travaille encore une partie. On a toutefois défini les grandes lignes du projet en intégrant ces 35 hectares, avec notre chef de cultures. Sur les 8 hectares qu’on utilise aujourd’hui, on n’en cultive que la moitié. On a le luxe d’avoir de la place. Cela nous permet une rotation des cultures qui évite d’épuiser les sols. 


Quelle qualité de produits visez-vous ? L’idée, c’est d’aller au-delà du bio, de travailler très peu les sols, de planter des haies pour amorcer le retour de la faune et de la flore, et d’introduire, en guise de pollinisateurs, des abeilles qui produisent un miel vendu au magasin. 


À quel prix ? Il s’agit de proposer ces produits bio à un maximum de clients. On y arrive grâce à une réflexion sur notre mode de production et notre organisation, qui entraîne des coûts de production peu élevés. Nous vendons toujours autant de légumes bio dans notre magasin alors qu’en France sa consommation diminue. Le prix y est probablement pour quelque chose. 


À qui achetiez-vous auparavant les légumes que vous produisez aujourd’hui ? Je ne trouvais pas l’équivalent des produits bio que je propose aujourd’hui. J’achetais des légumes de l’agriculture conventionnelle à des grossistes ou à la centrale d’achat.


On imagine aisément les légumes que vous cultivez à Lavaur l’été, mais à quoi ressemble l’étal en ce moment ? Nous cultivons tous les choux : verts, blancs, rouges, brocoli, de Bruxelles, chinois, kale. Des poireaux, du navet, du fenouil, des salades cultivées sous serre, et nous proposons encore en magasin les cucurbitacées récoltées en octobre.


Le modèle est-il économiquement viable ? La ferme est aujourd’hui déficitaire du fait des investissements nécessaires au lancement de l’activité (achat des serres, de matériel, construction d’un bâtiment de 800 m2), mais nous serons à l’équilibre l’an prochain. Nos méthodes de production sont rationalisées et mécanisées au maximum pour y parvenir.


Pensez-vous contribuer à changer l’image de la grande distribution ?  Je ne crois pas changer l’image de Système U, qui a déjà une solide réputation. C’est un groupe humain, une coopérative au sein de laquelle chacun jouit de beaucoup de liberté. Quant à la com’, nous en faisons peu. Quelques posts Instagram, une marque Potager du pastel sous laquelle nous vendons nos légumes, mais beaucoup de nos clients ignorent qu’ils sont cultivés à côté. Cette ferme est avant tout une démarche personnelle. Une façon de participer à notre échelle à la préservation de la terre, et au bien manger.

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