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Jean Couderc

Sivens : les pionniers de l’automédia

Apparus sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les automedias se sont fait véritablement connaître du grand public à Sivens. Boudu en a rencontré deux.


Frédéric Raguénès

Mouvement des Indignés, Notre-Dames-des-Landes, NuitDebout, Frédéric Raguénès est un habitué des luttes sociales et écologiques. Il s’y distingue « en filmant les violences policières. » Lorsqu’il est appelé par des copains pour assurer la couverture médiatique de la ZAD de Sivens, il n’hésite pas et prend son sac à dos : « Quand j’arrive, il y a à peine une dizaine de personnes. On commence à faire des jardins. Vu que l’on n’a pas investi la route, les flics traversent la zone pour regarder ce qui se passe. Mais ce n’est pas tendu. » Sa caméra, ce n’est qu’à la fin de l’été qu’il va réellement la sortir, lorsque les machines arrivent sur la zone. Et que les coups de matraque commencent à pleuvoir. « C’est tout de suite très violent, chaque matin, on était attaqués par la police, je filmais et je me dépêchais d’aller chez des gens poster les vidéos en ligne sur YouTube. » Du « quasi direct » qui crée, selon ce quadra originaire de la région d’Angoulême, un engouement autour de la lutte : « En créant ce lien sur internet, on a donné envie aux gens de venir. Chaque fois que je filmais des violences illégitimes, ils étaient de plus en plus nombreux à nous rejoindre. » Il s’emploie également à raconter la vie dans la ZAD et à montrer la solidarité qui y règne. « Si la ZAD a fonctionné, c’est grâce au soutien des gens extérieurs. Parce qu’avant d’être autosuffisant, heureusement qu’il y a eu des voisins, des agriculteurs pour nous amener à bouffer, de quoi construire des cabanes, etc. »


Roxane Tchegini

Jeune mère, monitrice d’auto-école, Roxane Tchegini n’avait rien d’une militante avant de rencontrer, par hasard « des mecs à crête à proximité  de Sivens qui arrêtent gentiment ma voiture pour m’expliquer le projet ». Le soir-même, la jeune femme arrivée dans le Tarn trois ans auparavant y retourne sans ses enfants : « J’ai eu un gros coup de cœur, j’ai été émerveillée par la sincérité des gens. Quand il n’y avait pas de répression, c’était une sorte de mini-société qui se créait, basée sur la solidarité, l’écoute, le partage, la gratuité, le respect, etc. Je n’avais jamais vécu quelque chose de pareil, je ne pensais même pas que c’était possible. » Comme elle aime beaucoup filmer, elle immortalise le moment. Pour se faire accepter, elle commence à faire des interviews « des zadistes, qu’ils soient novices dans la lutte, hippies, légalistes, ou punks. Tout le monde ne venait pas forcément pour les mêmes raisons mais ils étaient tous là pour lutter contre un projet écocide. » Au bout d’un certain temps, elle s’autorise à filmer la vie dans la ZAD. « Parce que je voulais montrer que ce que je voyais, ce n’était pas des clichés. »


Face « à la violence des milices et des forces de l’ordre », elle acquiert la conviction que ça va mal finir. À la mort de Rémi Fraisse, elle lâche prise et quitte la zone pendant deux mois. Avant de trouver la force de revenir : « Je ne voulais pas que le film se termine sur son décès. »


À son retour, l’ambiance a changé : « C’était une occupation plus féroce, avec des durs à cuire qui vivaient dans la neige. Vu que je ne connaissais quasiment plus personne, ils n’ont pas accepté que je filme. Puis petit à petit, j’ai pu à nouveau sortir la caméra. » Jusqu’à l’expulsion définitive en mars 2015. « J’ai été sur zone juste avant, au moment du siège de la ZAD. C’était traumatisant. Assiéger une zone, c’est vraiment une méthode de guerre. J’y allais à pied depuis chez ma mère, je rampais dans les ronces, j’avais tellement peur de me faire prendre par des pro-barrage. On était considérés comme des écoterroristes. C’était plus que du mépris, il fallait qu’on disparaisse. » 10 ans après, il reste son documentaire, « La résistance respire », visible sur YouTube, et une conviction : « On ne me fera pas croire que l’on vote pour des gens qui œuvrent pour notre bien. »

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