Francis Manaud est un « bouche-trou ». On peut le croire, c’est lui qui le dit. « Quand il y a un trou dans la chaussée, on appelle quelqu’un pour le boucher. Et bien cette fois, le bouche-trou, c’est moi ». On a connu meilleure entrée en matière pour aborder une élection municipale dans la quatrième ville de France.
Rien ne destinait cet ancien assureur de 79 ans aujourd’hui retraité, à hériter de la place de tête de liste du parti Debout la France à Toulouse. Désigné dans un premier temps, Florian Lebrun a préféré renoncer courant janvier pour raisons personnelles (il occupe désormais la 3e place sur la liste). À deux mois du premier tour, le timing devenait plutôt serré. Le nom de son remplaçant « s’est imposé rapidement » confie Damien Jeanne, secrétaire départemental et directeur de campagne de Francis Manaud. « Un choix qui peut surprendre » reconnait-il, « en raison de son âge notamment ». En clair : l’exact opposé de son fugace prédécesseur, cadre trentenaire dans l’aéronautique.
Ce qui a fait pencher la balance ? D’abord l’expérience des campagnes électorales. Européennes, législatives et départementales : Francis Manaud est l’homme de tous les combats chez Debout la France. « Chaque fois qu’on m’appelle, je suis là » revendique cet ancien champion de France de Tarot qui a une nouvelle fois toutes les cartes en main. Le choix Manaud, c’est aussi celui d’un homme de réseaux, capable de monter une liste grâce à quelques coups de fil bien sentis, comme celui passé au ”vieil ami” André Gallego, fondateur du Journal Toulousain, annoncé sur la liste de Debout Toulouse. Une liste aujourd’hui « bouclée » mais qui tarde encore à se dévoiler entièrement. Reste le plus important : accent dans la voix, Francis Manaud est né à Toulouse. Il en est même « amoureux ». Un atout de choix dans son jeu. « Il nous fallait un homme qui connaisse parfaitement la ville » confirme sans détour Damien Jeanne.
Pelote basque à Saint-Sernin
Toulouse, une ville que Francis Manaud n’a « jamais quittée ». Il a même contribué à la façonner en partie lorsqu’au milieu des années 70, son entreprise de revêtement de sol avait participé à la réfection du Théâtre du Capitole. Une fierté dont il parle d’un trait de souffle. Plus que de son programme d’ailleurs. La visite continue. Direction les allées Jean Jaurès, “défigurées par les Ramblas” dont il ne prononce jamais le nom (“Nous ne sommes pas à Barcelone, ici“), le Château d’Eau dont il fut l’un des administrateurs, le quartier du Busca où il réside aujourd’hui, la place Saint-Sernin où enfant, il tapait des parties de pelote basque. Et enfin, l’immeuble qui l’a vu naitre pendant la Seconde Guerre mondiale, près de la Place Wilson, là où se trouve désormais la Fnac. Une enseigne qu’il dévisage le cœur serré chaque fois qu’il doit y trainer sa silhouette débonnaire. Constat implacable : oui, Toulouse a changé. « L’esprit village » n’est plus. Francis Manaud l’accepte. À regret.
Et la politique dans tout ça ? Rien avant 2007, l’année de sa rencontre avec le fondateur de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, qu’il considère comme « le digne héritier du Général de Gaulle ». Suffisant pour justifier une adhésion au parti et les cotisations qui vont avec, « toutes payées en temps et en heure ». À quelques semaines du premier tour, Francis Manaud aborde sa candidature aux municipales avec un détachement presque désarmant. Sans grande peur, ni hautes ambitions. « 2 ou 3% et je serai content » pronostique celui qui se présente aussi pour faire connaitre les idées de Debout la France, présent pour la première fois dans une municipale à Toulouse. Ses propositions ? « Apprendre aux gens à se servir d’un vélo pour éviter les accidents, lancer dès à présent la construction d’une 4e ligne de métro et encourager le déploiement des caméras de vidéosurveillance », l’un des « bons points de la mandature de Jean-Luc Moudenc » et de son adjoint à la sécurité, Olivier Arsac. Un ancien membre de Debout la France rallié depuis 2014 à la cause du maire sortant. « Grand bien lui fasse » réplique Francis Manaud, qui se confesse : « Moi, je vais vous dire, je n’en ai rien à faire de la politique. Je veux juste qu’on me laisse parler de Toulouse ».