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Anne-Laure DE CHALUP

Maul inclusif – Le Tou’ Win Rugby Club

Dernière mise à jour : 12 janv.

Le Tou’ Win Rugby Club est une association sportive et militante pour la cause homosexuelle créée en 2006 par des rugbymen toulousains gays. Une équipe gay friendly qui évolue en rugby loisir, discipline dans laquelle on simule les mêlées mais pas la fraternité.



Dernier choisi en cours de sport, jugé trop efféminé pour être bon sur un terrain, Matthieu Vignolle a grandi en pensant que les sports collectifs n’étaient pas pour lui, et encore moins le rugby, « sport de bonhomme » par excellence pour ce jeune développeur de 25 ans. Pourtant depuis près d’un an, il s’épanouit au sein du Tou’Win Rugby Club de Toulouse, un club de rugby loisirs “LGBTQI+”, fondé en 2006, qui a fait de l’intégration d’homosexuels dans le domaine sportif son cheval de bataille. L’équipe a attiré François Alsina pour de toutes autres raisons. Si Matthieu y a vu l’occasion de s’épanouir dans un environnement favorable à ses orientations sexuelles, François a d’abord été attiré par la promesse sportive du club. Le Tou’Win Rugby Club n’est pas le premier club pour lequel il chausse les crampons, mais l’environnement traditionnel, qui valorise la virilité et ce que François qualifie de « rugby village », ont un temps éloigné ce dynamique trentenaire des pelouses. Le Toulousain, intrigué par l’aspect militant du Tou’Win Rugby Club, voit à son arrivée, en 2015, la lutte contre l’homophobie comme anecdotique. « Pour moi, l’homophobie n’était plus un problème depuis longtemps », considère ce cadre en ameublement. Même si certaines remarques désobligeantes étaient monnaie courante sur le terrain et dans les vestiaires dans ces précédents clubs, il n’en saisissait pas toute la portée… Pourtant, derrière chaque « Tu joues comme un pédé », lancé sur le ton de l’humour, il y a une réalité, celle que pour de trop nombreux amoureux du ballon ovale, un homosexuel est moins légitime, et peu crédible dans une mêlée…


Joueurs et cheerleaders lors du tournoi Tou’Winclusive

Joueurs et cheerleaders lors du tournoi Tou’Winclusive. © Clément Servat


Alliés


Des a priori insupportables pour François, hétéro, qui saisit rapidement l’ampleur du problème. Et l’incite à s’impliquer au point d’être aujourd’hui l’un des membres actifs du club, de toutes les compétitions, n’hésitant pas à intervenir pour sensibiliser le public à l’homophobie en qualité de vice-président (1) et à se hisser sur le char des Tou’Win, en habit de lumière, pour le défilé de la Pride. Celui qui pensait le rugby trop éloigné de ses valeurs s’est réconcilié avec ce sport.


Sur le terrain, les Tou’Win laissent les clichés au vestiaire, affrontant des équipes de rugby loisir autour de Toulouse ou lors d’événements LGBT en Europe. L’équipe revient notamment de l’EuroCup de Birmingham, une compétition qui regroupe les clubs de rugby loisir inclusifs du Vieux continent. Des clichés, Matthieu en avait aussi en tête à son arrivée, il le reconnaît. « J’avoue que je m’attendais à ce qu’on joue au rugby sur du Britney Spears ». Et de reconnaitre qu’aller au contact contre des « gaillards » lui faisait même très peur au début. Mais il a pu compter sur le soutien sans faille de ses coéquipiers, gays mais aussi hétérosexuels. Car le Tou’Win Rugby Club n’est pas une équipe 100 % gay. Matthieu l’a découvert avec une certaine appréhension. « Je n’ai pas d’amis hétéros, j’avais un peu une vision négative, à l’école les hétéros c’est ceux qui me harcelaient. Un peu les méchants », confie-t-il. « Alors qu’au Tou’Win, ce sont de vrais alliés, des gens qui se battent pour l’inclusion ».


Matthieu Vignolle à l’entraînement

Matthieu Vignolle à l’entraînement


L’inclusion, une notion souvent évoquée entre les membres du club. François Alsina reconnaît sa difficulté à définir le terme. Et de filer la métaphore d’un cours de danse en couple pour préciser sa pensée : « Même si un couple gay ne s’y fera pas agresser, pour autant, la norme reste une fille et un garçon. Donc quand on est un couple gay, ça demande un effort supplémentaire. » Et de poursuivre en expliquant la différence entre tolérance et inclusion : « La tolérance, c’est accepter la différence. L’inclusion c’est faire en sorte qu’un homo vive sans se poser plus de questions qu’un hétéro. Chez nous, tu viens, tu en parles ou pas, et un jour tu viens avec ton mec, ta meuf, ton trouple (ménage à trois ndlr) et c’est normal ! », se réjouit François. Mais la société n’en est pas encore au même stade que les Tou’Win, et le coming-out est encore un passage obligé pour les gays. Matthieu a toujours pensé révéler son homosexualité à ses parents le jour où il aurait un petit-ami à présenter. « Finalement, c’est cette équipe incroyable que j’ai voulu leur présenter », raconte le Toulousain d’adoption, des étoiles dans les yeux en pensant à cette deuxième famille sportive. Je leur ai dit que c’est une équipe qui me tient à cœur, qui lutte contre l’homophobie, je voulais ajouter que c’était important pour moi parce que moi-même je suis gay et je vis ces choses-là mais je n’ai pas réussi. Le lendemain, je leur ai envoyé un SMS, ils m’ont dit que ça ne changeait rien pour eux. »


Une solidarité parfaitement conforme au monde du rugby, selon François Alsina. « L’engagement et la solidarité que tu peux avoir dans une équipe de rugby se retrouve en dehors du terrain. Tu es prêt à combattre sur le terrain pour les copains donc t’es prêt à la faire en dehors aussi et ça, ça rassure ».


Les joueurs sont là les uns pour les autres, font la fête ensemble et partagent les bons comme les mauvais moments. Quand François, vêtu d’une robe, est victime d’une agression homophobe en sortant de boîte, il relie son expérience aux Tou’Win. « C’est là que j’ai réalisé que mes copains prennent ce risque tous les jours. Les violence physique et verbales sont fondées sur la même haine. » Une haine contre laquelle les Tou’Win luttent au quotidien, fidèles à leur doctrine : Plaquer l’homophobie en dehors du terrain.


(1) François a quitté ses fonctions cette année car il s’apprête à quitter Toulouse.


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