Moudenc, peut-il être battu ? La question posée en couverture du dernier numéro de Boudu était légitime à la lecture de notre sondage IFOP qui montrait qu’une majorité (56 %) des personnes interrogées souhaitaient sa réélection. Un mois plus tard, la chose est confirmée avec un deuxième sondage IFOP pour la Dépêche du Midi, Radio 100 % et Via Occitanie, qui crédite le maire sortant de 41 % des intentions de vote au premier tour et qui le donne vainqueur assez largement au second tour, même en cas de triangulaire avec le Rassemblement National. L’élection est-elle (déjà) jouée ? Ce serait aller un peu vite en besogne, surtout pour le président de France Urbaine qui a de la mémoire : « Lors de la campagne de 2014, les neuf sondages ont donné Pierre Cohen vainqueur. Au final, c’est moi qui ai gagné ! C’est donc avec beaucoup de prudence et de circonspection que j’accueille ce résultat. » L’enquête a toutefois l’immense mérite, pour le maire sortant, de l’aider à identifier son principal adversaire : Antoine Maurice, tête de liste d’Archipel Citoyen positionné loin devant Nadia Pellefigue et Pierre Cohen (25 %, contre 14 % et 7,5 %). Un ordre qui n’est certainement pas pour déplaire au maire de Toulouse qui n’a eu de cesse de désigner l’ancien adjoint écologiste de Pierre Cohen comme son rival le plus dangereux. Et d’ignorer la candidature de Nadia Pellefigue, pourtant partie la première, au premier trimestre 2019, qui paie là peut-être le désamour entre Toulouse et le Parti socialiste (qui soutient sa candidature avec le Parti communiste et le Parti radical de gauche).
La candidate d’Une Nouvelle énergie pour Toulouse, à la tête d’une liste tout aussi « citoyenne » qu’Archipel, peut-elle renverser la vapeur ? Pas impossible, d’autant que l’on entre dans une phase où les candidats vont devoir donner des gages sur la faisabilité de leurs projets. En d’autres termes, chiffrer leur programme. En la matière, la vice-présidente du Conseil régional en charge du développement économique semble partir avec une longueur d’avance sur ses rivaux d’Archipel. « Nous sommes la seule liste de gauche responsable », n’ont cessé de marteler ses colistiers tout au long de la campagne. Les électeurs de gauche seront-ils sensibles à cet argument dans une période où le désenchantement à l’endroit des partis politiques s’accompagne parfois, d’une envie contradictoire de croire aux recettes miracles ?
Ce duel ne doit, par ailleurs, pas occulter la présence de Pierre Cohen, parti le dernier à la conquête du Capitole et qui n’a pas dit son dernier mot. Convaincu d’être (encore) l’homme de la situation pour réunir l’ensemble de la gauche, il mène probablement sa dernière campagne municipale. À ne pas négliger au moment des tractations d’entre deux tours.
Une chose est sûre : ce n’est sans doute pas sur les programmes que les électeurs vont pouvoir départager les candidats, tant ils se ressemblent. Propulser Toulouse dans la transition écologique, limiter au maximum l’usage de la voiture en ville, consulter et associer davantage les citoyens aux prises de décisions, imposer des feuilles de route plus strictes aux promoteurs immobiliers, redonner les moyens au tissu associatif de fonctionner correctement, les préoccupations, et donc les propositions des trois candidats de gauche convergent. De l’autre côté de l’échiquier politique, Quentin Lamotte a adopté la stratégie de Marine Le Pen. Pendant que ses adversaires multipliaient les conférences de presse et les interventions publiques, le candidat du Rassemblement national s’est employé à raréfier ses apparitions. Bénéficiera-t-il d’un contexte national hostile au gouvernement pour réussir ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a réussi avant lui, à savoir se qualifier pour le second tour du scrutin municipal à Toulouse ? De la réponse à cette question dépend (en grande partie) l’issue de l’élection. Car si le successeur de Serge Laroze (qui avait recueilli 8,15 % des suffrages en 2014) réussit son pari, le réservoir de voix risque de sensiblement diminuer pour Jean-Luc Moudenc, qui doit déjà composer avec la candidature de son ancien adjoint en charge du logement, Franck Biasotto, parti en dissidence à la tête d’une liste de revanchards. La gauche peut-elle en profiter pour reprendre le fauteuil de maire ? Peut-être, à condition de faire fi des (inévitables) déceptions que le premier tour engendrera, pour lancer une dynamique unitaire à laquelle tous devront adhérer… ou faire mine d’adhérer