Le sentiment religieux décroît, mais Noël garde la cote. Comment l’expliquer ? Noël répond à notre besoin profond de rompre la monotonie. Qu’on le veuille ou non, l’approche de Noël travaille la ville et installe une attente, un décor, une atmosphère de joie. Je ne connais pas d’événement qui distille aussi généreusement cette bonne humeur et ce plaisir d’attendre, à part peut-être l’Euro ou la coupe du monde de football.
Comment interprétez-vous ce Noël sécularisé ? D’un côté je suis émerveillé de constater que Noël touche tout le monde, habille les rues et illumine les devantures des magasins. De l’autre, en voyant les gens courir avec leurs paquets à la main, je me dis : « S’interrogent-ils au moins sur le sens de tout ça ? » Même indépendamment de toute considération religieuse, je trouve qu’il n’y a rien de plus flippant que d’agir sans maîtriser le sens de ses actes. Le marché de Noël en est l’illustration parfaite : il a tout du marché, et rien de Noël. C’est charmant, parce qu’il y règne une atmosphère chaleureuse et sympathique, mais ça s’arrête là. Noël doit donner du sens. Et pour donner du sens, il faut un peu plus que des churros et des écharpes en mohair.
Quel sens donner à Noël ? Le message est simple : Dieu nous aime au point de s’être fait petit enfant. Bon, en le disant, j’ai bien conscience que la simplicité et la pauvreté du message ne sont pas de nature à séduire mes contemporains. Noël c’est l’anniversaire de Jésus. Voilà. Désolé, on n’a que ça à donner !
Ce message est-il devenu inaudible ? Je ne crois pas qu’il le soit devenu. Il l’était déjà il y a 2000 ans. Quand Marie et Joseph sont arrivés à Bethléem, ils apportaient le plus beau des cadeaux, et on les a mis dans une étable. Aujourd’hui encore, c’est décevant, ce petit enfant. C’est décevant ce gars qui meurt sur une croix. Ça n’est pas grand chose comparé à ce qu’on appelle « la magie de Noël ». On veut du riche et du clinquant, pas du pauvre et du simple.
Certes, on veut du riche et du clinquant, mais il y a tout de même un retour au spirituel qui, pourtant, ne semble pas profiter au christianisme… C’est vrai. Non seulement la concurrence est rude, mais il existe en Occident un complexe vis à vis du message du Christ. Jésus, on connaît et on a rejeté, alors on considère qu’il n’y a rien de nouveau là-dedans. Pourtant, à mon avis, il n’y a rien de plus neuf. D’autant que, la plupart du temps, quand on cesse de croire en Dieu, c’est pour croire n’importe quoi. L’absence de foi fait le lit de la crédulité. J’ai reçu récemment dans ma boîte aux lettres une publicité pour un marabout. Il disait pouvoir réparer les ordinateurs à distance. Je reconnais que là, moi, je ne peux pas lutter.
Noël doit donner du sens. Et pour donner du sens, il faut un peu plus que des churros et des écharpes en mohair.
Le déclin du catholicisme en France est-il inéluctable? Ce qui meurt, ce n’est pas le catholicisme, mais une façon de le vivre fondée sur la présence massive des fidèles dans les églises, et sur une influence culturelle importante du christianisme dans la société. On essaie de faire tenir ces ruines debout, en se donnant l’illusion qu’on peut continuer comme ça, et avoir un curé dans chaque village. Moi, je suis pour laisser tout ça s’effondrer d’un coup et reconstruire sur des bases solides.
Un des bons côtés de la marchandisation de Noël, c’est le fait que le Top 14 continue désormais pendant les fêtes. Ça doit vous réjouir, vous qui aimez le rugby ? J’aime beaucoup ça, en effet. J’y ai joué des années au poste de seconde ligne, de flanker et de numéro 8 (mon poste préféré), et je n’ai arrêté que contraint par une blessure. J’aime cette idée selon laquelle c’est un sport très catholique parce qu’on y prend autant de plaisir à donner qu’à recevoir.
Est-on un curé différent quand on est rugbyman ? Bien sûr. On peut puiser dans le rugby des allégories intéressantes qui mènent à l’évangile. Quand je commence mes homélies par « L’évangile dit… », je n’ai pas fini ma phrase que tout le monde dort déjà. Mais quand je lance : « Hier soir, en regardant Stade-Montpellier au bistrot… » tout le monde écoute. Après tout, c’est bien comme ça. Ce n’est pas l’accroche qui compte, c’est le cœur du message.
Est-on un rugbyman différent quand on est curé ? Non. Sur le terrain, la nature humaine reprend le dessus. Quand on m’en met une, j’en mets une.