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BOUDU

Pas si No Future que ça – FMR

C’est une bande de jeunes comme Toulouse en compte des dizaines à cette époque-là. Sinon que celle-ci veut profiter de l’élection surprise du candidat socialiste François Mitterrand à la présidence de la République pour prendre la parole. Comment ? En créant une radio. L’acte fondateur est posé au bar des Deux Ânes (ex Café Populaire, ndlr) rue de la Colombette, où une vingtaine d’énergumènes venus d’horizons différents se retrouvent avec l’envie de faire quelque chose ensemble. Il y a là des passionnés de musique animés par le désir de « faire écouter de la musique que l’on n’entendait jamais sur les ondes nationales », restitue Jacques Dupon, lui-même instit’ dans un centre pour personnes handicapés, mais aussi des artistes (plasticiens vidéastes…) avides d’explorer les nouvelles formes et images, des intellectuels, des homosexuels, et des jeunes animés par l’irrésistible envie « de foutre le bordel », se souvient Jean-Pierre Thoron, dit Pilou, à l’origine de ce drôle de rendez-vous. Bref, un bel aréopage cosmopolite réuni autour d’une idée commune, faire de la radio autrement, malgré des objectifs clairement divergents : « Des animosités, mais aussi des accointances, sont d’ailleurs apparues dès la première réunion, poursuit Pilou, alors étudiant en première année en Deug de physique-chimie… et socio. Globalement, tout le monde était anar… mais pas du même bord ! » Les aspirations ont beau être multiples, la mayonnaise prend. D’une part parce qu’il y a consensus pour faire, en réaction aux radios commerciales sourdes à l’explosion du punk et de la new wave, la promotion de ces musiques ; mais aussi parce qu’il y a une volonté partagée de se démarquer de ce qui existait déjà. Pour Philippe Frézières, qui deviendra le président de la radio (voir interview p31), l’union s’est faite autour de l’idée « que l’on ne voulait pas faire une radio commerciale. On voulait trouver un autre style, ni servile, ni très respectueux ». Pour ne pas risquer de voir les promesses originelles partir en fumée, il est décidé de les graver dans le marbre, avec la création d’une association articulée autour de trois principes : pas de publicité, liberté de ton totale, et promotion de la musique absente des autres radios.

À l’époque, celles-ci se comptent sur les doigts d’une main. Même s’il existe, à Toulouse, quelques radios pirates (qui émettent depuis l’étranger) comme Barbe Rouge, l’ouverture des ondes s’annonce comme une véritable révolution. L’attribution des fréquences tardant à arriver, FMR s’octroie illégalement la fréquence 97.7. « Il valait mieux avoir un pied dans les ondes si on voulait espérer récupérer une fréquence lorsque TDF allait délivrer les dérogations », justifie Pilou. Le démarrage est plus punk que jamais. La fine équipe trouve refuge au-dessus des cuisines du bar le Régalty, chez Michel Thoron, le grand frère de Pilou, « ce qui marquera olfactivement les futurs animateurs » s’amuse encore Monique Plantet, elle aussi de l’aventure initiale. Dans ce bar rock où se retrouvent les jeunes Toulousains adeptes des Sex Pistols, des Clash, des The Cure, ils sont dans leur élément. « Outre le fait qu’on le faisait marrer avec notre histoire, mon frère s’est très vite aperçu qu’on lui faisait venir du monde. Et du monde qui picolait ! », s’amuse Pilou. Philippe Pitet, qui découvre le lieu en y jouant avec son groupe d’alors, Frigo génétique, contextualise : « À l’époque, il y a une forte scène à Toulouse qu’on n’écoute jamais sur les ondes, car on est loin de Paris. Et que pour un groupe qui arrive à sortir, il y en a 10 000 qui restent confidentiels parce qu’il n’y a ni radio pour les diffuser ni salle de concert pour les accueillir. » Au Régalty, les conditions sont pourtant loin d’être réunies pour faire de la radio. Sylvain Estève, l’un des membres fondateurs, se souvient : « Il y avait vraiment rien, juste une mixette et un émetteur posé dans un coin de la pièce ». Et l’émetteur en question, « acheté à des cibistes » croit se rappeler Jacques Dupon, dispose d’une puissance… d’un watt ! « À peine de quoi couvrir le quartier » rigole Pilou. « Pour essayer de voir jusqu’où on diffusait, on tournait autour de la radio avec ma Ford Fiesta verte en élargissant les cercles ! », renchérit Jacques Dupon, par ailleurs inventeur du nom qui sonne alors comme une évidence : « Parce qu’il était bien dans la lignée du No future et qu’on était persuadés, comme son nom l’indique, que l’expérience serait éphémère ». Reste que le 14 décembre 1981, lorsque la version live de I am a little airplane de Jonathan Richman retentit sur le canal 97.7, l’histoire d’FMR commence pour de bon. Le 8 janvier 1982, les statuts de l’association sont déposés, et Télédiffusion de France (TDF) lui attribue légalement une fréquence : 89.1.


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© Archive FMR


Bien qu’une grille d’émissions se mettent progressivement en place, l’antenne est alors ouverte à qui veut. Jeté de Fréquence laser où ces outrances ne passent pas, Philippe Azoulay trouve une maison où « les portes sont ouvertes et où l’on peut faire des émissions. Au début ce n’était pas très professionnel, on laissait les micros ouvert, mais ça avait son charme. » Et puis FMR, c’est plus qu’une radio. Très vite, le Régalty devient un carrefour multidisciplinaire où se côtoient, dans un joyeux capharnaüm, des musiciens de tous horizons et des artistes comme le peintre Philippe Hortala. « Il y avait une liberté exceptionnelle, tout était possible », raconte Monique Plantet tout en soulignant la singularité de FMR par à rapport à d’autres radios libres qui ont vu le jour au même moment à Toulouse : « L’idée n’était pas seulement de causer dans le poste. Les gens avaient envie de partager leur passion. » « On avait des maisons farcies de disques que l’on voulait faire écouter au plus grand nombre », approuve Jacques Dupon, alors animateur de l’émission « Coup de grâce ». Hervé Sansonetto, qui ouvrira le Bikini un an plus tard, partage cet avis : « C’était très avant-gardiste musicalement, très pointu. J’ai découvert plein de groupes grâce à eux, parce qu’il y avait toute une kyrielle de jeunes hyper qualifiés dans des styles très différents. » Très vite, la radio, en dépit de la qualité approximative de la diffusion, acquiert une notoriété et devient une référence dans le monde du rock toulousain. « FMR est devenu le truc qu’il fallait écouter », résume Sansonetto. « FMR, c’était the place to hear », assure Pilou. Naturellement, elle attire de nouveaux animateurs qui vont marquer l’histoire de la radio comme Jean-Luc, alias Vomi Froid. Originaire de Calais où il écoutait les radios anglaises « qui diffusaient illégalement du rock depuis la baie de la Tamise », il déchante à son arrivée à Toulouse qu’il trouve « bourgeoise et sans vie. Il n’y avait pas d’évènement, ni de concert. D’ailleurs les tourneurs évitaient la ville. » Il sait, lorsqu’il découvre FMR, qu’il a trouvé sa bouée de sauvetage : « Ça partait dans tous les sens, je me suis senti tout de suite à l’aise. »

En accueillant des zouaves comme Vomi, FMR construit le ton « fémérien ». Bernard Amade, compagnon de la première heure, explique : « Dans son émission Vomi froid, il expérimentait, par exemple, les drogues à l’antenne. Cela correspondait bien à l’outrance, presque à la violence éditoriale que l’on voulait voir à l’antenne. C’était vraiment un grand show. Vomi était l’un des emblèmes de l’époque. » Pour le principal intéressé, par ailleurs instituteur la journée avec des enfants à qui il propose un enseignement peu orthodoxe, « parce qu’à l’époque, on pouvait prendre quelques libertés avec le programme », il s’agissait surtout de marquer sa différence, avec la société mais aussi avec les blaireaux : « La culture cassoulet-rugby, ça me gonflait. On s’éclatait contre les traditions, on ne respectait rien. » Et Vomi ne se contente pas d’éructer dans le poste. La nuit, flanqué d’un étudiant en archi, il bombe les murs de la ville et notamment « les fontaines de Baudis qu’il avait mis partout ». Toulouse découvre l’irrévérence fémérienne parfaitement symbolisée par l’émission à succès Services du soir, animée par Philippe Frézières. Le concept de l’émission, où n’importe qui appelle pour dire ce qu’il veut, est aussi basique que diabolique, comme l’explique son inventeur qui revendique l’absence de censure, au grand dam de certains : « C’était un appel à l’insulte. Votre voisin vous emmerde, il suspend ses culottes à la fenêtre pour les faire sécher, appelez pour l’insulter. L’idée était de faire dire aux gens ce qu’ils pensaient. Ce n’était pas pour créer du désordre mais pour que les choses cachées surgissent, pour que l’hypocrisie recule. Je la voulais très libératrice. »


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Mais Vomi froid ou Services du soir ne sont pas les seules émissions à faire parler d’elles. « Il faut être clair, les premières années du septennat de Mitterrand, ça a été du pain bénit. Il n’y avait pas de limites, pas de règles. C’était euphorisant », confirme Philippe Pitet, lui même animateur d’une émission, Soirée d’ambiance, où il enregistre pendant une heure l’ambiance dans les cinémas pornos de la ville, et diffuse la matière brute, in-extenso. « C’était une exploration du monde, je le concevais comme un travail qui interrogeait le monde qui m’entourait, je cherchais à cerner quelles étaient les motivations des spectateurs de ciné porno. » Pour Monique Plantet, animatrice de l’émission L’impromptu magazine culturel, « on écoutait FMR parce que cela ne ressemblait à rien d’autre ». Animateur du Grand cirque, une émission qui décortiquait les médias, Bernard Amade tente de résumer l’inrésumable : « Globalement ce n’était pas la qualité qui nous intéressait mais plutôt de faire des émissions un peu folles. Il fallait être en marge, mais une marge joyeuse. Après il y avait aussi des émissions très sérieuses, comme celle qui permettait aux proches des taulards de leur faire passer des messages. En somme, pour certains, c’était de la conviction politique, pour d’autres de la farce. » En parallèle de cette impertinence qui s’installe, les joyeux drilles d’FMR jamais à court d’idées veulent, autant pour être visible que pour permettre aux groupes locaux punk de se faire entendre, organiser des concerts. Et dès le premier, FMR tape un grand coup en réunissant plusieurs milliers de personnes sur le parking du Géant Casino de Basso Cambo (alors qu’il n’y a pas encore le métro) pour écouter les groupes A Bomb, Mère Denis, Classé X ou Orchestre Rouge. La confirmation, pour Philippe Pitet de la popularité de la radio. « On a alors compris ce que l’on représentait. » Ce coup d’essai ne va pas rester sans lendemain. La ville manquant alors de salles de concert, FMR va s’employer à en trouver, en s’appuyant sur le Bikini, ou à en inventer. Bars, boîtes de nuit, salles de classe, tout est prétexte pour accueillir des concerts et permettre à la foisonnante scène toulousaine de se produire. Sylvain Estève, ingénieur la journée, raconte : « On perdait du fric, mais le but n’était pas d’en gagner. Parce que c’était révolutionnaire pour l’époque de voir des concerts à Toulouse. Et puis au fur et à mesure, on a fait venir des groupes d’ailleurs. Les Rita Mitsouko, les Garçons bouchers ou les Bérurier noir ont par exemple fait leurs premiers concerts à Toulouse grâce à nous. » Pierre Rogalle, l’actuel président d’FMR, poursuit : « On avait une reconnaissance énorme dans le monde musical : la radio était un peu unique en France. Du coup, on faisait venir des artistes de la France entière. Mais on faisait surtout venir les groupes que l’on aimait ! »

Le principe de la station étant de ne se fixer aucune limite, une compilation sort au printemps 1983 réunissant une pléiade de groupes locaux comme Major Kyo, Les fils de joie ou Perspective Nevski : « Faire un disque, c’était le fantasme ultime, reconnaît Sylvain Estève. Pour la radio ça a été un acte super important. » Entretemps, le 27 janvier 1983, la radio déménage pour s’installer dans une cave, place des Puits-Clos. Nouveau local, émetteur plus puissant, mise en place d’un studio, FMR, dans son nouvel environnement que les premiers tags et graffs vont contribuer à personnaliser, prend définitivement son envol. Alors que la grille d’antenne se structure, la programmation musicale, elle, s’ouvre à d’autres musiques telle que le jazz, le classique ou la musique industrielle. De nouvelles émissions consacrées au théâtre, au cinéma ou à la littérature font leur apparition. Avec elles, de nouveaux animateurs aux dents longues, comme Marc Voinchet, actuel directeur de France Musique, ou Franck Priot, longtemps chroniqueur cinéma à Libé, qui se souvient avoir interviewé, dans Louma, l’émission de cinéma qu’il animait, Olivier Assayas « assis sur une pierre dans cette cave sordide que la dimension rock réussissait à faire oublier. Mais au moins ce lieu, nu et punk, correspondait bien à notre esprit : les gens comprenaient qui on était et ce que l’on faisait en arrivant là. C’était identitaire ». Un sentiment partagé par le réalisateur de documentaire Gad Charbit, lui aussi passé par la « cave humide des Puits-Clos qui puait mais où tout se passait ».


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© Archive FMR


Pour toute la jeunesse toulousaine, et même au-delà, la cave des Puits-Clos devient une institution où l’on se presse pour découvrir autant un média qu’une manière de penser. Mustapha Amokrane du groupe Zebda témoigne : « C’est là dans une ambiance de fête, de liberté, un peu bizarre, qu’on a vraiment assisté à l’émergence d’un mouvement, l’alternatif. » Les connections avec la sphère alternative sont en effet multiples. François Delarozière, directeur artistique de la compagnie La Machine, alors étudiant aux Beaux-Arts de Marseille et proche de la compagnie de théâtre de rue Royal de Luxe, en faisait partie : « Chaque fois que je passais par Toulouse, je me rendais compte à quel point FMR était incontournable. C’était plus qu’une radio, c’était un état d’esprit, ouvert sur le monde, connecté avec tout plein de gens comme par exemple Ange B. ou Claude Sicre. » Tout en reconnaissant ne pas avoir partagé toutes les utopies initiales d’FMR, ce dernier, fondateur du groupe les Fabulous Trobadors et du Cocu (carnaval toulousain, ndlr) confirme le rôle déterminant joué par la radio dans les années 80 : « C’était libre, échevelé mais ce n’était pas n’importe quoi. Ils ouvraient des espaces, ils donnaient la parole à des gens qui ne l’avaient pas. C’était un relais précieux. » Et pas seulement ajoute Hervé Sansonetto encore hilare à l’heure de raconter l’exposition « Mouillez-vous pour l’art » organisée dans la piscine du Bikini où le public était invité à revêtir palmes et tubas pour la visite : « Ils avaient une manière différente de voir les choses, de percevoir la culture. Ensemble, on se sentait puissants et on emmerdait le monde. » FMR se distingue également, au milieu des années 1980 par les nombreux fanzines qu’il crée ou soutient, comme Nineteen, et par les tags ou graffitis qui fleurissent sur les murs de la ville. Pour Bernard Amade, l’influence de la radio ne cesse de croître : « Un jour, on buvait des coups au bar de la légion place des Puits-Clos lorsque l’on a vu débarquer un mec, délégué régional aux arts plastiques à la DRAC, qui cherchaient des artistes à promouvoir. Vu que Vomi, Estève ou Dupon passaient leurs nuits à faire des dessins sur les murs, on a proposé leur candidature. » .


La galerie Atomium est ainsi créée, rue du Coq-d’Inde, « un avatar de plus », pour permettre à la création toulousaine de s’exprimer mais aussi pour vendre les albums des groupes chéris par la station. Dans un autre registre, la boutique Arsenic, tenue par Monique Blanquet, devient vite un autre repaire emblématique de la culture underground. Bref l’univers FMR s’étend, les projets divers et variés se multiplient, au point que la notoriété dépasse désormais le cadre de la région jusqu’à arriver aux oreilles de Jean-François Bizot, le légendaire créateur du magazine Actuel, qui descend à l’improviste voir le phénomène FMR, fidèle à la promesse du magazine de s’intéresser à tout ce qui est « nouveau et intéressant ». La radio a alors atteint une audience qui l’autorise aux rêves les plus fous, comme celui de regrouper dans un même lieu toutes les activités de la sphère FMR. Et surtout d’avoir sa propre salle de concerts. « On avait une audience importante, de plus en plus de sollicitations, on était arrivé au bout de ce que l’on pouvait faire aux Puits-Clos. La salle de concert, c’était la suite organique de notre histoire », justifie Franck Priot. C’est au 9 bis avenue Frédéric Estèbe, dans l’ancien cinéma de quartier où Claude Nougaro démarra sa carrière, que la radio élit domicile. Dans cet ancien garage, sont aménagés une salle de concert, de vastes studios et un bar pour financer l’ensemble. « On passe clairement la vitesse supérieure. Pour preuve, on se met à accueillir des groupes connus comme les Buzzcocks, qui marchait bien en Angleterre », relate Vomix. Un changement de braquet confirmé par Claude Sicre pour lequel « ils deviennent musicalement importants et pionniers en termes de ragga et de rap ».


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Marie Janote et Vomi en pleine discussion


Le soir de l’inauguration, 2000 personnes se pressent et 30 fûts de 30 litres sont descendus, un record de mémoire de brasseurs toulousains. Mais si tous décrivent la période comme l’âge d’or de la radio -« Quand on est arrivés, ce n’était pas l’idéal, mais ça y ressemblait » se souvient Dusport – avec une moyenne de trois concerts par semaine, des expérimentations en pagaille, la venue de groupes emblématiques comme la Mano Negra ou Noir Désir, et un lieu qui ne désemplit pas – « Il y avait 200 animateurs, 20 salariés, 80 émissions en permanence, des milliers de personnes qui faisaient de la radio, un fanzine par semaine », résume Frézières – les problèmes ne tardent pas à apparaître. Parce que pour Sylvain Estève, le ver est dans le fruit : « On est passé d’une logique de bénévolat où une cinquantaine de mecs réfléchissaient à monter des coups, à un modèle entrepreneurial avec des contraintes économiques et sanitaires. » Un résumé auquel souscrit sans sourciller Bernard Amade, alors grand argentier de l’association. « L’arrivée aux Minimes a coïncidé avec le début des problèmes. La liberté de faire dépendait dès lors d’une salle de spectacles. » Les anciens anars se rendent surtout compte qu’ils ne savent (ou ne veulent) pas gérer une entreprise. Hormis l’intermède au cours duquel Hervé Sansonetto prend la gérance du bar, le temps de moderniser son Bikini, les fins de mois sont difficiles et le loyer pas toujours honoré : « On voulait avoir une vraie salle de concert mais contrairement à Hervé, on ne savait pas gagner du fric, reconnaît Pilou. Et on n’était pas assez investis. Il y a avait trop de gens qui faisaient autre chose à côté. Dusport partage la même analyse : « On ne s’improvise pas gérant d’une entité commerciale, surtout un bar. Ce n’était pas carré, il y avait trop de cash qui circulait. » Pire, pour celui, comme son surnom l’indique, qui inaugura la première émission consacrée au sport de la radio (et qui s’occupe toujours de la programmation), « le coeur n’était plus la radio mais le bar. » Pour le boss du Bikini, les p’tits gars d’FMR ont tout simplement fait une crise de melonite : « Je leur avais proposé une association chemin des étroits mais ils ont voulu voler de leurs propres ailes. C’est con parce qu’ils n’étaient pas fait pour ça. Mais ils fantasmaient tellement sur l’idée de vendre de la bière… » Mais au-delà des problèmes de gestion, certains continuent à penser que FMR avait pris un peu trop de place dans la ville. « Clairement, les institutions cherchaient à nous planter, affirme encore aujourd’hui Bernard Amade. On a eu plusieurs fois des contrôles de l’Urssaf et de police. » Philippe Frézières enfonce le clou : « On avait des problèmes instrumentalisés par la mairie. On nous a poussé à fermer, on a eu des contrôles d’hygiène, l’obligation de faire des travaux. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une radio de copains mais d’un vrai mouvement. On m’avait même suggéré de me présenter aux élections municipales, explique l’ancien patron de la radio. Ça commençait à faire flipper du côté de la mairie. J’ai été approché par des gens de l’ombre de Baudis qui voulaient connaître nos intentions et cherchaient visiblement comment se débarrasser de nous. » Suite à un énième cambriolage et à des plaintes incessantes du voisinage, l’équipe d’FMR décide de jeter l’éponge et d’abandonner, la mort dans l’âme, le local des Minimes. Une chaine de solidarité se met alors en place qui permet à la radio d’émettre (uniquement de la musique) depuis Radio Occitanie, avant de trouver refuge au Bikini où Hervé Sansonetto les accueille. « Heureusement qu’il a été là parce qu’on se serait totalement effondré, souligne Philippe Pitet. Mais ça a cassé la dynamique. On est resté presque un an sans faire d’émissions. Du coup, l’audimat s’est effondré. » Reste que plus de 20 ans plus tard, la radio est toujours là, désormais installée au 9 boulevard des Minimes, avec les (mêmes) anciens… et des nouveaux comme Zongo Sound, débarqué à la radio il y a 15 ans, pour qui FMR est « presque un mode de vie. Intégrer la radio a été salutaire pour moi. Ado, j’avais une envie féroce de liberté et d’auto-gestion. C’est exactement ce que j’ai trouvé ici ». Avis partagé par Marie Janote, présidente de FMR entre 2017 et 2020, et longtemps animatrice de L’émission qui n’en a pas. À son arrivée, la jeune femme, féministe assumée, n’a aucune expérience en radio : « J’ai dû m’imposer, et tout apprendre, seule. Parce que c’est aussi ça le punk : Do it yourself ! À FMR, on ne va pas te tenir la main. » Il lui faut aussi faire sa place dans un univers où le consensus n’a pas sa place : « Ici, personne n’est d’accord et c’est ça qui est bien. C’est un lieu de débat permanent, une usine à réflexion. On n’est pas dans un monde politiquement correct. Si tu ne l’ouvres pas, personne n’est là pour te donner la parole. » Un plaidoyer qui ne peut que satisfaire Bernard Amade qui observe : « Il y a encore des jeunes qui pensent que ça a du sens de dire des choses sur les ondes. Tant mieux… »

Les 40 ans de FMR, le 27 novembre à 19h30 au Bikini. Rés : lebikini.com

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