Les images de ces gueules, ces paysages, ces bêtes et ces gens, respirent la maîtrise de la lumière et la science de l’instant.
L’antique civilisation paysanne est morte mais son cœur bat encore dans les photos de Denis Estève. Ce fils de bourrelier né en 1934 et devenu artiste-peintre et photo-reporter à Revel, capture depuis 60 ans le rural lauragais qui s’éteint. Toujours à l’argentique, sans flash ni emphase. Pendant des décennies, il a poli son art de l’image en couvrant pour la presse régionale les drames du quotidien, les visites ministérielles et les exploits des coureurs du Tour. Lauréat du Prix Dieuzaide du livre d’Art en 2017, il expose à Lavaur des clichés paysans tirés par ses soins. On pense spontanément à la grande photographie humaniste. Lui s’en défend. Denis Estève ne se dit pas humaniste. Il ne se prétend même pas photographe. Pourtant, tout dans ces gueules, ces paysages, ces bêtes et ces gens, respire l’amour des autres, la maîtrise de la lumière et la science de l’instant. Exemple avec ce bouilleur de cru à propos duquel il raconte : « Il ne se lavait jamais. Sa peau était recouverte de vert-de-gris. Un jour, comme on ne le voyait plus au village, on est entré chez lui. Il était malade. On l’a lavé. Il en est mort ». À voir quand on est vieux pour nourrir sa mélancolie. À voir quand on est jeune pour célébrer le juste retour en grâce de la photo argentique.
Les gens de la Terre Jusqu’au 17 décembre au musée du Pays de Cocagne 1 Rue Jouxaygues Grande à Lavaur (Tarn).