Avec leur Matrice, les cinq artistes du collectif de recherche artistique PFFF produisent des performances féministes déjantées. Au printemps, elles ont passé deux semaines à la Grainerie, à Balma, où entre deux performances, un karaoké féministe et une cession de danse des Connards, elles ont ouvert leur matrice à des vigneronnes, sous nos yeux ébahis.
Elles ne sont pas d’accord. N’aiment ni la hiérarchie, ni la production, ni la mixité, sauf en cas de « mixité choisie ». Elles sont cinq artistes, créatrices de ce collectif baptisé PFFF comme dans Patriarcat Fuck Fuck Fuck ou Performance Fuckingly Féministe. Leur histoire a sans doute une genèse mais on s’en fout : les débuts, les fins, ce n’est pas non plus leur truc : « Dans nos performances, on ne veut pas qu’il y ait un début, et une fin où les spectateurs applaudissent. On veut que les gens infusent dans notre univers, qu’ils déambulent » assène Nadège Rossato, membre du collectif. Les filles de PFFF se revendiquent féministes, et ça se voit. N’en déplaise à certains ou certaines. « Il y aura toujours des gens qui vont se sentir agressés, mais ce n’est pas notre volonté. On essaie de faire de la pédagogie. Pour certaines féministes militantes, on est même trop gentilles ! » assure Nadège Rossato. Les hommes sont d’ailleurs les bienvenus. Charlotte Castellat, artiste du collectif, se souvient de la première fois où son père est venu participer à une de leurs performances : « Il était perdu. Il en a pleuré. Je suis contente de voir qu’aujourd’hui, son regard a changé ».
Leur outil, c’est la Matrice, installation plastique et performative qui peut se monter partout, pour tout sujet et à tout moment. Au printemps, à La Grainerie, fabrique des Arts du cirque à Balma, (dont le directeur actuel, Serge Borras, est un ancien patron de bar), PFFF a ouvert sa matrice à trois vigneronnes. Nadège Rossato encore : « On s’intéresse au vin parce qu’on boit beaucoup… et parce que nos spectacles ont, comme le vin, besoin de maturation. » Dans la Grainerie décorée par le collectif, la Matrice s’active au passage de trois naïades qui déposent des grains de raisin directement dans la bouche des visiteurs. On voit des gens couchés dans des baignoires pour écouter des podcasts, d’autres s’appliqués à colorier des mandalas vulves, d’autres encore hypnotisés par la collection de clitoris de la clitothèque d’Anne-Hélène Lozevis, parmi lesquels le très remarqué ClitOccitan, d’autres enfin sagement noyés dans les yeux des femmes photographiées par Hélène Ressayres. Dans chaque salle, les vigneronnes se racontent et versent leur vin. Amandine Boissel du domaine de Brousse à Gaillac, narre son opposition à la figure paternelle au moment de reprendre les vignes : « Il a fallu que mon père vieillisse et que ses capacités physiques diminuent pour qu’il me laisse de la place. Ça a été la guerre ! » Non loin de là, Claire Bortolussi, du château de Viella, parle des vigneronnes de la génération précédente comme de sources d’inspiration. Au plateau, devant les baignoires, les naïades se posent pour chanter : « Je suis fille d’œnologue et pas addictologue / Je suis fille de caviste avec talent d’artiste / Sans être une héritière et bien fille de la terre, debout nous tenons bien le vin de notre destin… Laï, laï, laï »…