À Toulouse, on a de vous l’image d’un homme toujours prêt à polémiquer. C’est un cliché ?
Les Toulousains ont raison, je suis sulfureux et je l’assume. On n’a pas du tout la même culture. À Toulouse, c’est très derrière les tentures, un peu chattemite comme disait Molière. Alors que dans le Midi, près de la Méditerranée, c’est plus frontal. Surtout à Montpellier, où Georges Frêche a imprimé cette culture à la ville. Avec lui, il n’y avait pas de round d’observation. Je mesure ma chance de l’avoir côtoyé pendant 15 ans. Cela me donne la capacité de m’exprimer un peu différemment des autres maires de grandes villes.
Dans quelles circonstances l’avez-vous rencontré ?
Je lui ai écrit en 1993 pour lui proposer mes services. Quinze jours après il me répondait et me fixait un rendez-vous. Il m’a reçu dans son bureau. C’était très impressionnant. Après l’avoir remercié de m’avoir accordé un peu de son temps et lui avoir réitéré ma proposition de services, je me suis levé et m’apprêtais à partir. L’entretien avait duré 30 secondes ! Je ne sais pas ce qui m’a pris. Georges Frêche me regardait comme un ovni. Puis on a commencé à parler d’archives et on s’est aperçu que l’on parlait le même langage, celui des registres.
Comment est né cet intérêt pour les archives ?
J’ai commencé, à l’âge de 13 ans, à travailler aux archives sur la généalogie des familles de Montpellier et des villages alentour. Sans doute parce que ma propre famille est l’une des plus vieilles de Montpellier. J’ai ainsi pu remonter jusqu’en 1790 où je suis tombé sur un Antoine Saurel, fils naturel de parents inconnu. J’ai considéré que c’était un don du ciel. C’est magnifique de ne pas connaître son origine.
Vous êtes Montpelliérain comme vos aïeux ?
Je suis né à Montpellier d’un père instituteur et d’une mère infirmière. Je ne suis donc pas né une cuillère d’argent dans la bouche. La famille du côté de mon père est originaire de Montpellier depuis la création de la ville. Et plutôt gaulliste. Du côté de ma mère, ce sont des protestants cévenols, des parpaillots comme on dit ici. Eux sont plutôt socialistes. Je suis donc issu de cette confrontation.
Je ne veux rien. Je ne demande rien. Je ne suis pas En marche ! Je suis socialiste exclu.
La politique avait-elle de l’importance dans votre famille ?
Pas du tout. On parlait religion, pas politique. Du côté de mon père, on était catho, ma grand-mère était organiste à la chapelle du père Bonnet. Alors que côté maternel, ils sont tous marqués au Musée du Désert. En tant qu’aîné, j’ai un peu servi de médiateur entre ces deux cultures très différentes.
Revenons à votre parcours. Quel cursus avez-vous suivi ?
J’ai une éducation littéraire très classique. J’ai fait français-latin-grec. J’aimais beaucoup les civilisations, la culture. J’ai fait le conservatoire en violon jusqu’au cours supérieur. Et puis j’ai fait médecine, chirurgie dentaire, tout en poursuivant des études d’histoire, jusqu’en thèse d’État, et d’histoire de l’art. J’ai été étudiant jusqu’à plus de 40 ans.
Pourquoi médecine et plus particulièrement dentaire ?
J’aimais beaucoup soigner les gens, je faisais les tournées d’infirmière à 13-14 ans, avec ma mère. Je m’occupais des vieux du quartier. Donc le soin s’est imposé comme une évidence très tôt. Le rapport à l’autre et au corps. Pourquoi dentaire ? Tout simplement parce que j’ai eu la varicelle le jour du concours, et que j’ai raté médecine d’1/2 point.
Est-ce votre intérêt pour la généalogie qui vous a donné envie d’approfondir l’histoire ?
Absolument. J’ai commencé à travailler les registres des délibérations communales, l’histoire des familles, des traditions populaires. Je cherchais ma propre culture et celle des gens d’ici, qui est très bouleversée, car Montpellier est une ville dont seulement 20 % des habitants sont originaires. J’ai également présidé l’association des Barons de Caravètes qui regroupe quelques-unes des plus anciennes familles montpelliéraines, puis l’Académie des confréries du Languedoc-Roussillon du temps de l’ancienne région. Je suis très attaché à mon terroir.
Peut-on parler d’une identité montpelliéraine ?
Oui, mais elle est différente de celle de Toulouse ou de Nîmes. Il n’y a pas de vraies traditions. Vu que c’est une ville nouvelle du Moyen Âge (985), il n’y a pas de passé antique. Donc sa qualité, c’est sa jeunesse. 40% de la population a moins de 30 ans, c’est assez unique dans le pays. Elle ressemble, parce qu’elle a grandi à vitesse grand V, à tous les peuples de la planète. Elle a été créée par des arabes, des juifs, des chrétiens d’Orient et d’Occident. Et aujourd’hui elle conserve cette tolérance des différentes communautés.
N’avez-vous jamais envisagé de la quitter ?
Oui, à la fin de mes études de lettres, quand l’archiviste départemental m’a proposé de rentrer à l’école des Chartes. Je me suis dit qu’il faudrait que je réapprenne les relations avec les gens. Donc j’ai préféré rester.
Votre rencontre avec la politique ?
Je soignais à mon cabinet un membre assez influent du RPR à l’époque qui cherchait un jeune exerçant une profession libérale pour conduire une liste aux municipales dans une grande ville du département. J’ai été navré par son absence de vision humaniste. C’était catastrophique. Aussi lorsque je suis rentré chez moi, j’ai dit à ma femme : « que plus personne ne me parle de politique ». Et c’est elle qui m’a convaincu d’écrire à Georges Frêche.
Pourquoi vous êtes-vous laissé convaincre ?
J’ai été initié à la Grande Loge de France en 1988. Or dans le rituel maçonnique, il est dit qu’il est important de poursuivre le travail en dehors du temple, c’est-à-dire de transmettre les valeurs de l’humanisme dans la vie profane. J’ai donc strictement obéi à la règle. Et je me suis progressivement aperçu que mes penchants politiques ne pouvaient pas être à droite. Je me suis donc rapproché du PS à une époque où le parti, comme aujourd’hui, était à 4 %. On ne peut pas me soupçonner d’opportunisme. Mes inclinaisons en politique, c’est du gaullisme de gauche. Autant il y a un raisonnement dur de droite que je ne peux pas suivre, autant je n’ai aucun problème avec la droite de l’entreprise, du développement économique. Je soutiens l’entreprise créatrice de richesses et d’emplois à condition qu’à côté la répartition soit faite de façon solidaire.
Vos figures tutélaires ?
Localement Frêche et nationalement Jaurès. J’ai toujours dit que j’étais 1/3 anar, 1/3 bonapartiste et 1/3 Jaurès. 1/3 anar parce qu’à un moment, on est un peu obligé d’être anar pour bousculer les choses ; 1/3 Bonapartiste parce que c’était un immense administrateur de l’État ; et 1/3 Jaurès parce que c’est le visage même du socialisme éclairé, militant et combattant. Jusqu’à en périr. Plus qu’un socialiste, c’est un héros pour moi.
Depuis votre première élection en 1995, vous n’avez jamais cessé d’être aux affaires, c’est bien ça ?
J’ai été élu conseiller général en 1998. J’ai ensuite été réélu conseiller municipal à la mairie en 2001 avec Frêche qui m’a confié les affaires sociales et la présidence de l’hôpital. Réélu conseiller général en 2004, je me suis fait dégager des affaires sociales par Mme Mandroux, devenue maire de Montpellier avec le départ de Frêche à la Région. J’ai alors négocié l’urbanisme où je suis resté jusqu’en 2011, date à laquelle Mme Mandroux, qui avait été réélue entretemps maire en 2008, m’a chassé de mon poste en 2011. J’ai alors négocié la culture. Puis j’ai été réélu une 3e fois conseiller général et député suppléant de l’Hérault.
Georges Frêche rêvait d’être maire de Toulouse. Mais il a dit : “J’ai fait avec Montpellier un mariage de raison qui est devenu un mariage d’amour”
À vous entendre raconter les choses de cette manière, vous donnez l’impression d’être accro à l’action politique…
J’ai lu l’Histoire de France ! Mazarin n’aurait pas été Mazarin s’il n’avait pas négocié la paix à la bataille de la Valteline entre les armées italiennes et françaises. Jamais il n’aurait fait la carrière qu’il a faite s’il ne s’était pas mouillé. La politique, c’est plus fort que tout. On peut tout changer avec la politique.
C’est intéressant parce que l’on entend de plus en plus d’élus, et notamment de maires, déplorer que leur pouvoir s’amenuise…
Je ne suis pas d’accord, à part pour les maires ruraux dont je comprends la détresse car ils ont beaucoup de charges et très peu de moyens. Mais c’est un honneur d’être élu.
Même à notre époque ?
Oui, bien sûr. On ne travaille pas pour soi mais pour le peuple. J’ai des idées politiques mais pas de parti politique. Je n’obéis pas aux oukases des gouvernants. Quand ça ne me va pas, ça ne me va pas.
C’est ce qui explique votre exclusion du PS ?
Le PS m’a exclu parce qu’il considérait que ma candidature à l’élection municipale en 2014 était illégitime. L’Histoire leur a prouvé le contraire mais aujourd’hui, le fait est que je n’ai pas de parti politique. Et que le schéma montré en 2014 est unique dans les 15 premières villes de France.
Le 18 mai 2015, avec l’ancien préfet de la Région Languedoc-Roussillon et Jean-Luc Moudenc
Pourquoi n’avez-vous pas accepté de vous soumettre au vote interne lors de la dernière municipale ?
Parce qu’il était pipé. Parce qu’au PS, comme dans d’autres partis, c’était le bourrage des urnes garanti. J’étais sûr de perdre. Ils ont amené le soir même une valise de 300 cartes avec les coupures de monnaie à côté. Filmé par France 3 ! J’ai bien fait de ne pas y aller. Le PS national m’a éliminé parce que j’ai toujours été libre de mes mouvements. Mais je n’avais pas besoin du PS pour gagner.
C’est votre côté Frêche ?
Oui, mais c’est aussi ma propre trajectoire. J’ai un métier, je suis capable de gagner ma vie quand je veux. Mes campagnes en 2014, c’est moi qui les ai payées parce que les banques, sur ordre du PS, ne voulaient pas me financer.
Que retenez-vous des années passées aux côtés de Frêche ?
Régulièrement, je me demande ce qu’il aurait fait à ma place. Hier j’ai réuni mon cabinet et mes collaborateurs et je leur ai dit : « Ce que vous avez fait, si j’étais Georges Frêche, vous passeriez tous à la porte ». Et il aurait eu raison.
Pourquoi ne le faites-vous pas ?
Parce que la politique ne peut s’exercer que dans un temps donné. Victor Hugo disait : « Il n’y a pas meilleure idée que celle qui arrive en son temps ». Ce qui était vrai pour Georges Frêche ne l’est plus aujourd’hui.
L’héritage est-il lourd à porter ?
Non. Mme Mandroux a voulu se départir de Frêche et c’est ce qui lui a coûté la mairie. Georges Frêche a tout fait, tout conçu, tout organisé.
Avec moudenc nous n’avons pas eu envie de recommencer les guerres entre Montpellier et Toulouse qui ont émaillé l’histoire des chroniqueurs médiévaux.
A-t-il tout bien fait ?
Dans le temps qui était le sien, il a fait au mieux. Après, il a fait en fonction des circonstances et de ses pouvoirs qui ne sont plus les mêmes.
N’avez-vous pas été élu, en 2014, pour rompre avec certaines pratiques du passé ?
Si et je pense avoir réussi. C’est bien parce que j’étais étranger aux pratiques du PS que je n’ai jamais eu les investitures. Le PS donnait les investitures aux gens qu’il tenait. Moi, il ne pouvait pas me tenir parce que je n’avais jamais bricolé avec les cartes.
C’est ce côté franc-tireur, libre qui plaît aux Héraultais ?
Oui. C’est lié au climat. Je pense que cette liberté est extrêmement utile dans le monde politique, y compris au niveau national. C’est ce dont a bénéficié le Président de la République dans les premiers temps. Cette espèce de liberté de dire les choses. Ce n’est pas parce que l’on a la possibilité de dire les choses que l’on ne peut pas être en capacité d’exercer le pouvoir avec habileté.
Quel regard portez-vous sur l’ascension au pouvoir de Macron ?
Quand on a été élu à Montpellier, il m’a invité au ministère de l’Économie à Bercy afin que je lui raconte comment on avait fait. Parce qu’à Montpellier, face à moi, j’avais EELV, le PS, l’UDI, les Républicains et le FN. Donc on ne peut pas dire que le clivage était gauche-droite.
Où était donc le clivage ?
Citoyen face au système organisé. C’est exactement le débat national. Je n’avais pas imaginé que ce qui s’est passé en 2014 à Montpellier s’étendrait aujourd’hui au niveau national. Ce que veulent les gilets jaunes ? Dire stop aux partis politiques et aux chapelles dogmatiques.
N’est-ce pas sur cette rhétorique que Macron a été élu ?
Oui mais il ne fallait pas transformer En Marche ! en parti et mettre à la tête Ferrand et Castaner. C’était dur au PS en termes de fonctionnement mais là, c’est encore pire. Il n’y a pas de section à En marche ! Donc personne ne vote ! On décide tout d’en haut. Ce n’est pas bien. Les gens n’en veulent plus. Nous on négocie beaucoup. Vous savez combien de réunions publiques j’ai fait depuis le début du mandat ? Presque 300. J’ai modifié le tracé du tramway, j’ai fait les Halles Laissac avec les gens.
Et les gens ne viennent pas pour contester ?
Il y en a qui contestent. Mais ils sont tellement habitués à cet exercice que cela fonctionne. Personne ne le fait en France à ce niveau-là. Personne ne change le tracé d’une ligne de tramway parce que quelqu’un le demande comme c’est le cas à Montpellier. J’ai fait voter la variante par 800 personnes présentes dans la salle.
C’est votre manière de pratiquer la démocratie participative ?
C’est plus que ça. C’est la démocratie directe.
N’est-ce pas dangereux la démocratie directe ?
Pourquoi ? Il ne faut pas avoir peur du peuple. Moi je n’en ai pas peur. Je ne lui donne pas l’illusion qu’il gouverne mais je lui donne la possibilité de donner son avis et de le prendre en compte. Quand une proposition est bonne, devant une assemblée de 800 personnes, il y en a 600 qui approuvent. Que ce soit ma proposition ou celle d’un autre. Et cela ne peut pas se faire autrement. Sinon vous ne pouvez pas avancer.
Vous diriez que c’est plus facile de travailler avec le peuple qu’avec certains partenaires politiques ?
Mais nous n’avons pas de partenaires car nous ne traitons pas avec les partis politiques. On me soupçonne de vouloir l’investiture En Marche ! pour la prochaine municipale. Mais je ne veux rien. Je ne demande rien. Je ne suis pas En marche !, je suis socialiste exclu. Comme le maire de Palerme qui dit « mon parti, c’est Palerme », je dis « mon parti, c’est Montpellier ».
Pourquoi alors avoir circonscrit l’accès à l’exécutif de Montpellier Métropole aux membres de LRM ?
Ce n’est pas tout à fait ça. J’ai décidé de créer un groupe politique à la Métropole et vu que j’avais soutenu Macron je l’ai appelé « Citoyens, En marche et apparentés ». Le fait qu’il y ait En marche ! a empêché certains socialistes du département d’adhérer. Ils ont été piégés. Car je leur ai dit : « attention les gars, pour aller en 2020, il me faut des vice-présidences solides qui soutiennent ma politique ».
Ce qui n’était pas le cas ?
J’avais quand même un vice-président qui avait fait un procès à la Métropole à propos de la gare Montpellier Sud de France ! En fabricant ce groupe, je savais que le Parti de gauche ne pourrait pas rentrer, ni les socialistes du Conseil départemental, ni les Républicains tendance Wauquiez. Et ceux qui n’ont pas voulu venir n’étaient, de fait, plus vice-présidents. Aujourd’hui, une grande partie des délibérations est votée à l’unanimité. En résumé, j’ai utilisé En marche ! pour cliver.
Vous dîtes souvent que l’action dont vous êtes le plus fier est la création de la Métropole. Pourquoi ?
Parce que c’est la seule qui a été créée de cette manière en France. Lorsque Toulouse est devenu Métropole, Montpellier, qui n’était pas intégrée de manière automatique dans la loi MAPAM, a perdu son statut de capitale régionale. Il a donc fallu construire démocratiquement la Métropole. J’ai donc tout donné à tout le monde. Y compris ceux qui sont candidats face à moi aujourd’hui.
Qu’entendez-vous par « tout donné » ?
Des vice-présidences, des délégations, des présidences d’organisme. Il fallait construire la Métropole, il fallait rassurer, c’était vital. Pour que cette Métropole s’assoie sur un socle consensuel, il fallait que je donne des signes de générosité au-delà du réel.
Quel regard portez-vous sur la manière dont on fait de la politique à Toulouse ?
C’est totalement à l’opposé. J’ai d’excellentes relations avec Jean-Luc Moudenc avec lequel nous avons anticipé la réforme territoriale. Après quand je viens à Toulouse, je vois la différence. Comme Jean-Luc Moudenc sourit quand il vient ici. Mais vu que nous partageons la même passion pour l’Histoire, nous n’avons pas eu envie de recommencer les guerres entre Montpellier et Toulouse qui ont émaillé l’histoire des chroniqueurs médiévaux. Quand on peut se donner un coup de main, on le fait. Et c’est très bien comme ça. Mais on n’est pas en concurrence.
On n’est plus à l’époque de Frêche-Baudis…
Mais il n’y avait pas d’animosité entre eux. C’était simplement deux zones qui ne se regardaient pas. Après c’est vrai que Georges Frêche rêvait d’être maire de Toulouse. Mais n’oublions pas qu’il a dit : « J’ai fait avec Montpellier un mariage de raison qui est devenu un mariage d’amour ».
À Toulouse, vous êtes cool, il y a Airbus. Nous on est en mode survivor. C’est notre mentalité.
Jean-Luc Moudenc semble être l’un des rares élus avec lesquels vous n’êtes pas en confrontation, non ?
Ah bon, mais avec qui je suis en confrontation ? Carole Delga ? Mais elle n’est pas maire. Le maire de Lattes ? C’est le vice-président qui veut se présenter contre moi à l’agglo. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse, que je lui donne la Métropole ? Les vice-présidents déchus de l’agglo, c’est normal qu’ils soient en compétition. Mais je ne suis pas en confrontation avec les maires des grandes villes. Je m’entends très bien avec celui de Nîmes, celui de Sète, même de Béziers. Ménard n’a pas été élu illégitimement. Et sur certains dossiers, comme la ligne de chemin de fer entre nos deux villes, il le faut bien. Ménard, quand il dit un truc, il le fait. Après, je ne pars pas en vacances avec lui. Et puis Ménard, il ne faut pas oublier qu’il a commencé à l’extrême gauche…
Vous ne manquez pas une occasion de critiquer la Région. Pourquoi ?
Mais à quoi sert-elle ? J’avais fait des propositions sur la réforme territoriale qui n’ont pas été prises en compte. Je souhaitais que les métropoles comme Toulouse et Montpellier aient d’office un quota d’élus dans l’exécutif régional. Pourquoi ? Parce qu’on est sur des compétences croisées sur l’économie, le tourisme, l’enseignement supérieur. On aurait pu être complémentaires alors que l’on est aujourd’hui en concurrence.
Il n’y a pas d’autre issue que d’être en concurrence ?
C’est un combat à armes inégales. La Région ne lève pas l’impôt, donc elle n’a pas de comptes à rendre au citoyen. L’État s’est fait harakiri en créant les régions. Il a créé 12 grands duchés, et en plus il les subventionne. Comme par hasard, il n’y a pas un seul président de Région favorable au président de la République. La Région est un étage de trop au mille-feuille territorial.
Vous considérez donc que c’est la Région, et non le département comme certains l’estiment, qui devrait être supprimée ?
J’appelle à la requalification des compétences régionales. La Région doit être une interdépartementalité. Il faut petit à petit installer le conseiller territorial qu’avait proposé Sarkozy afin qu’il ait la capacité de mettre en musique au niveau local ce qu’il aura décidé au niveau régional.
Pour autant en 2015, vous aspiriez bien à la gouverner cette Région ?
J’étais obligée, stratégiquement, d’y aller. Montpellier venait d’être dépossédée de son titre de capitale régionale. Je ne pouvais pas m’accrocher aux grilles de la préfecture et faire la grève de la faim. Si j’avais présenté quelqu’un d’autre, cela n’aurait eu aucune valeur. C’était le maire de Montpellier qui devait défendre Montpellier.
L’État s’est fait harakiri en créant les régions. Il a créé 12 grands duchés, et en plus il les subventionne.
Vous ne le regrettez pas ?
Pas du tout. Je suis d’ailleurs arrivé premier dans ma ville avec 24 % et on a été la seule liste citoyenne en France à faire 5 %. Et donc à être remboursée. Et puis cela m’a permis de découvrir Midi-Pyrénées, ses pépites, son industrie aéronautique.
Une industrie qui vous manque à Montpellier ?
Mon rêve est en effet d’avoir de l’industrie. Vu que cela n’est pas le cas, on surfe sur l’innovation, ce qui nous oblige à être très à l’écoute du marché, à repérer toutes les niches de création d’emploi dans le tertiaire, le numérique, la santé, la recherche… On s’en sort plutôt bien puisque l’on est la zone où l’on crée le plus d’emplois en Occitanie devant Toulouse et que l’on a réussi à faire reculer le chômage depuis mon élection. Beaucoup d’entreprises sont venues s’installer, en particulier grâce à la French Tech. C’est un petit exploit parce qu’entre Marseille et Aix d’un côté, et Toulouse de l’autre, l’État a une ville de trop avec Montpellier.
Ressentez-vous davantage de considération aujourd’hui ?
Disons que lorsque l’on a la réputation d’être sulfureux, les gens vous connaissent sans doute un peu mieux. Et connaissent donc un peu mieux votre ville. C’est l’école Frêche. Montpellier ne pourrait pas se permettre d’avoir une représentation diaphane. Parce qu’elle n’a pas de grandes structures industrielles qui soutiennent son économie et qui pèsent au niveau international. À Toulouse, vous êtes cool, il y a Airbus. Nous on est en mode survivor. C’est notre mentalité.