Conseiller départemental du Lot depuis 2021, Rémi Branco a sorti, en début d’année, un livre coup de poing Loin des Villes, loin du cœur dans lequel il fait le constat que la gauche ne sait plus parler au monde rural. Pour s’en rendre compte, Boudu a passé une journée dans son canton de Puy-l’Évêque avec ce natif de Toulouse et ancien chef de cabinet de Stéphane Le Foll au ministère de l’Agriculture.
e ciel est bas et les nuages menaçants en cette fin de semaine à Puy-l’évêque. Pas question toutefois pour Rémi Branco de déroger à ses habitudes. Comme tous les vendredis, le conseiller départemental du canton démarre sa journée au bar-restaurant PMU La Truffière, autant pour absorber sa dose de caféine quotidienne que pour entendre ce que l’Homme de la ruralité a sur le cœur. Et ce matin, l’heure est à l’analyse politique, entre un scrutin européen au résultat retentissant et une élection législative à l’issue incertaine.
Le mot d’ordre : ne pas se voiler la face. Aussi lorsque Jean-Louis tente de se rassurer en avançant que ce ne peut quand même pas être la jeunesse qui a voté Rassemblement national, Rémi Branco l’interrompt prestement : « Ici, la jeunesse vote RN. D’ailleurs depuis dimanche dernier (le scrutin européen, ndlr), les langues se sont bien déliées. » Et l’ancien chef de ca-
binet de Stéphane Le Foll au Ministère de l’agriculture de poursuivre en montrant sur son téléphone le tract de
Jordan Bardella pour les législatives : « Qui va être contre ce qui est écrit ? Combattre les déserts médicaux, réduire la facture énergétique, redonner du pouvoir d’achat, etc. On va vraiment avoir du mal à se démarquer. Annoncer que l’on va taxer les super riches ne fait pas aller voter. Parce qu’au fond, les gens veulent être riches. »
Les discussions ont beau être animées, l’ambiance confine à l’abattement. Franck lâche d’ailleurs un « On est vraiment dans la merde ». Après avoir avalé un dernier café, il est temps, pour le vice-président du Conseil départemental du Lot en charge de l’agriculture, de prendre congé pour rejoindre Prayssac, à quelques kilomètres. Au marché, on entend parler toutes les langues, histoire de nous rappeler que le Lot est une terre d’accueil. Mais on lit surtout l’inquiétude sur les visages que l’élu s’emploie à dérider avec un sourire communicatif. « Je comprends que les gens se sentent les dindons de la farce. Il y a un sentiment d’inégalité et d’impuissance très fort, finit-il par concéder. À gauche, malheureusement, on ne connait pas ces gens qui triment. Sinon, on ne proposerait pas une augmentation du SMIC. Ce n’est pas la solution. » À quelques jours du premier tour du scrutin législatif, Rémi Branco répète inlassablement, aux (nombreuses) personnes saluées, la même chose : « Cette fois-ci, je ne suis pas candidat. Mais il faut aller voter ! » Parce qu’il en est convaincu, laisser accéder le Rassemblement national au pouvoir en pariant sur son écroulement serait une grave erreur : « Partout où le RN est passé, il est resté. »
Une entrecôte-frites plus tard, la journée du conseiller départemental se poursuit en terrasse avec deux membres d’une association de riverains inquiets de l’extension à venir d’une base de loisirs, et qui espèrent sensibiliser l’élu à ce projet jugé démesuré. Après les avoir longuement écoutés, Rémi Branco s’engage à ne pas les abandonner. Puis, il grimpe dans sa voiture pour passer voir des vignerons durement touchés par les orages de grêle qui ont frappé le vignoble lotois. Là encore, les mines sont graves. Et le besoin de trouver une oreille attentive prégnant…
Interview
Votre bouquin est déjà parti en réimpression. Vous attendiez-vous à un tel succès ? Non, même si je me rends compte que chaque fois que je communique sur les réseaux pour dire que je me rends quelque part pour parler de mon livre, on m’écrit pour m’inviter. Ça dénote un angle mort terrible à gauche, et un mal-être de plein d’élus ruraux.
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