top of page
Jean Couderc

Sivens, chronique d’une mort annoncée

Le 26 octobre 2014 mourait à Sivens, dans le Tarn, Rémi Fraisse, un botaniste de 21 ans touché par une grenade offensive de typeOF F1 tirée par un officier de gendarmerie lors de violents affrontements sur le chantier d’une retenue d’eau controversée. Alors qu’un hommage sera rendu, ce mois-ci, à l’occasion du 10e anniversaire de ce tragique évènement, Boudu a retrouvé certains protagonistes de l’époque pour comprendre comment un simple projet de barrage avait pu autant échauffer les esprits. Et aboutir à un drame.


Lorsque le projet de barrage à Sivens s’invite dans le débat public, au début des années 2000, les Tarnais qui ont de la mémoire voient resurgir un vieux serpent de mer. La compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG), société d’économie mixte née après la Seconde Guerre mondiale pour dynamiser l’économie régionale et soutenir l’agriculture par l’irrigation, lorgne en effet sur la zone depuis l’achat par le Département de la forêt de Sivens en 1976. Au début des années 1980, elle tente de convaincre les agriculteurs de pénétrer sur leurs terres afin d’y réaliser des études géologiques dans le but affiché de créer une retenue en amont de la vallée du Tescou. En vain. Car depuis la tentative d’expropriation de leurs terres en 1969 par un groupe d’investisseurs désireux de réaliser un projet touristique sur 2 500 hectares (avec héliport et golf !), la méfiance est de mise chez les paysans du coin, comme l’explique l’un d’entre eux, Pierre Lacoste, fils de Lucien, alors aux manettes de la ferme familiale : « En compensation, on leur proposait une maison dans le lotissement et un travail sur le site touristique. Bien évidemment, tout le monde a refusé et dans la foulée, l’association de défense du Tescou a été créée pour défendre la vallée. »


Il faudra attendre près de 20 ans pour que la CACG puisse enfin pénétrer sur les terres, à la faveur d’un héritage, un fils d’agriculteur ayant accepté ce que son père avait jusqu’alors refusé. L’organisme peut alors enfin envisager un barrage à Sivens et le fait savoir lors de l’élection municipale de 2001, comme se souvient Françoise Blandel, militante écologiste de longue date, qui s’est installée à Lisle-sur-Tarn, commune dont dépend Sivens, quelques années auparavant. « On en entend parler sans qu’aucune information ne soit donnée publiquement. Vu qu’il s’agissait d’un vieux projet, les gens disaient que ça ne se ferait pas. » La vigilance de Lisle-Environnement, l’association dans laquelle milite celle qui a grandi à Sarcelles en banlieue parisienne, reste donc limitée.


« C’est plutôt cordial mais clairement, Thierry Carcenac se moque de nous » Françoise Blandel, militante écologiste

Jusqu’à la campagne municipale suivante, en 2008, quand un élu sortant lui fait part de l’existence d’un projet. Alors qu’un dossier d’enquête publique est constitué courant 2010, les demandes de rencontres pour informer et interroger les agriculteurs de la zone n’aboutissent pas. Et la difficulté de consulter les pièces du dossier finissent par mettre la puce à l’oreille des environnementalistes comme Christian Pince, mari de Françoise Blandel : « J’ai pour habitude de me renseigner avant de m’opposer à un projet. Je sais que l’on ne peut d’ailleurs pas être contre l’irrigation, il faut bien de l’eau pour faire de l’agriculture. Je cherche donc à comprendre l’utilité de ce projet, je demande les dossiers, notamment les études et délibérations au Conseil général du Tarn. Mais on ne veut pas nous les donner. »En réaction, l’association décide d’organiser une réunion publique en mars 2011, qui n’est pas du goût de tout le monde.


Vous souhaitez en lire plus ?

Abonnez-vous à boudulemag.com pour continuer à lire ce post exclusif.

bottom of page